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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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s’y attendait le moins, et, en
entendant cette voix dure et cassante, nous nous retournâmes tous les trois. Je
le revois encore, sa grosse tête apparaissant comme un crâne dans la pénombre
de cette fin d’après-midi. On m’interroge sans cesse sur lui : « Tu
as rencontré César ? Comment était-il ? Dis-nous à quoi il
ressemblait – le dieu César ! » Eh bien, je me souviens de
lui comme d’un curieux mélange de dureté et de douceur – les muscles
d’un soldat sous la tunique à ceinture lâche d’un dandy décadent ; la
sueur âcre de l’effort recouverte par le parfum suave de l’huile de crocus ;
une ambition impitoyable gainée d’un charme enjôleur.
    — Prends garde à elle, Cicéron, poursuivit-il en
émergeant de l’ombre. Elle est plus fine politicienne que nous deux réunis, n’est-ce
pas, mère ?
    Toujours derrière elle, il la saisit par la taille et l’embrassa
juste sous l’oreille.
    — Arrête ça tout de suite, protesta-t-elle en se
dégageant et feignant l’irritation. J’ai tenu mon rôle d’hôtesse bien assez
longtemps. Où est ta femme ? Il n’est pas convenable qu’elle sorte sans
cesse sans escorte. Envoie-la-moi dès qu’elle rentrera.
    Elle inclina gracieusement la tête en direction de Cicéron.
    — Tous mes vœux pour demain. C’est une formidable
réussite d’être le premier de sa famille à obtenir le consulat.
    César la regarda s’éloigner sans dissimuler son admiration.
    — Sérieusement, Cicéron, dit-il, les femmes de cette
ville sont beaucoup plus habiles que les hommes, et ta propre épouse en est un
bel exemple.
    César entendait-il par là qu’il désirait séduire Terentia ?
J’en doute. La tribu la plus hostile de Gaule eût été moins difficile à
conquérir. Mais je vis Cicéron ronger son frein.
    — Je ne suis pas venu discuter des femmes de Rome,
répliqua-t-il, aussi vaste que puisse être ta science en la matière.
    — Pourquoi es-tu venu, alors ?
    Cicéron me fit un signe de tête. J’ouvris ma boîte à
documents et tendis l’assignation à César.
    — Chercherais-tu à me corrompre ? demanda César
avec un sourire en me la rendant aussitôt. Je ne puis discuter de cette
question. Je dois être juge.
    — Je veux que tu acquittes Rabirius de ces accusations.
    César émit son petit rire sans joie et ramena une fine mèche
de cheveux derrière son oreille.
    — Je n’en doute pas.
    — Écoute, César, fit Cicéron avec un soupir, parlons
sans détour. Tout le monde sait que Crassus et toi dirigez les tribuns. Je
doute que Labienus ait même connu le nom de son malheureux oncle avant que tu
ne le lui mettes dans la tête. Quant à Sura… il aurait pu être accusé de perduellio pour un poisson. C’est encore une de tes manigances.
    — Sincèrement, je ne peux pas discuter d’une affaire
que je dois juger.
    — Reconnais-le : le but véritable de cette
procédure est d’intimider le sénat.
    — Tu dois adresser tes questions à Labienus.
    — C’est à toi que je les pose.
    — Très bien, dit César avec un haussement d’épaules.
Puisque tu insistes. Il s’agirait plutôt de rappeler au sénat que s’il foule
aux pieds la dignité du peuple en tuant ses représentants, le peuple finira par
se venger, quel que soit le temps que cela puisse prendre.
    — Et tu crois vraiment que tu vas renforcer la dignité
du peuple en terrorisant un malheureux vieillard ? Je viens de voir
Rabirius. Il est si vieux qu’il n’a plus toute sa tête. Il n’a aucune idée de
ce qui se passe.
    — S’il n’a aucune idée de ce qui se passe, comment
peut-il être terrorisé ?
    Il y eut un assez long silence, puis Cicéron changea de
tactique.
    — Écoute, mon cher Gaius. Nous sommes bons amis depuis
de nombreuses années. (Je trouvai alors qu’il y allait un peu fort.) Puis-je te
donner un conseil amical, comme d’un grand frère à son cadet ? Tu as une
carrière éblouissante devant toi. Tu es jeune…
    — Plus si jeune que ça, l’interrompit César. J’ai déjà
trois ans de plus qu’Alexandre le Grand lorsqu’il est mort.
    Croyant qu’il plaisantait, Cicéron émit un petit rire poli.
    — Tu es jeune, répéta-t-il. Tu as une solide
réputation. Pourquoi la mettre en péril en provoquant une telle confrontation ?
Tuer Rabirius ne dressera pas seulement le peuple contre le sénat, cela
entachera ton honneur. Un tel crime pourra te servir auprès de la plèbe

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