Conspirata
juste à côté d’Hortensius. L’ex-femme de César
avait prudemment quitté Rome pour éviter de témoigner, en revanche la mère du
grand pontife, Aurélia, et sa sœur, Julia, s’avancèrent pour faire leur
déposition, et identifièrent Clodius comme celui qui avait violé les mystères
sacrés. Aurélia produisit une impression particulièrement forte lorsqu’elle
tendit son doigt pareil à une griffe vers l’accusé, assis à moins de dix pieds
d’elle, et insista de sa voix implacable pour que la Bonne Déesse soit apaisée
par l’exil du coupable si l’on ne voulait pas que le désastre s’abattît sur
Rome. Ce fut le premier jour.
Le deuxième jour, César lui succéda à la barre des témoins,
et je fus cette fois encore frappé par les similitudes entre la mère et le fils – tous
les deux étaient durs et nerveux, d’une assurance qui dépassait la simple
arrogance, au point que tous les hommes, aristocrates ou plébéiens, subissaient
le même sort sous leur regard. (C’est, je crois, la raison qui le rendit si
populaire auprès du peuple : il était bien trop supérieur pour être
poseur.) Soumis à un contre-interrogatoire, il répondit qu’il ne pouvait rien
dire sur ce qui s’était produit cette nuit-là puisqu’il n’était pas présent. Il
ajouta, très froidement, qu’il n’en voulait en rien à Clodius – vers
lequel il ne tourna cependant pas une fois le regard – puisqu’il ne
savait absolument pas s’il était coupable ou non ; de toute évidence, il
le détestait.
Pour ce qui était de son divorce, il ne pouvait que répéter
la réponse qu’il avait faite à Cicéron au sénat : s’il avait répudié
Pompeia, ce n’était pas nécessairement parce qu’elle était coupable, mais parce
que l’épouse du grand pontife se devait d’être au-dessus de tout soupçon. Comme
tout le monde à Rome connaissait la réputation de César, et avait au moins
entendu parler de sa conquête de la femme de Pompée, ce bel exemple de
casuistique déclencha de longs rires moqueurs qu’il dut subir sous son masque
habituel d’indifférence suprême.
Il termina son témoignage et, par le plus grand des hasards,
quitta le tribunal au moment même où Cicéron se levait pour partir, lui aussi.
Ils faillirent se rentrer dedans et il leur fut impossible d’éviter ne fût-ce
qu’un bref échange.
— Alors, César, tu dois être heureux que ce soit
terminé.
— Pourquoi dis-tu cela ?
— Je présume que c’était un peu gênant pour toi.
— Rien n’est jamais gênant pour moi. Mais oui, tu as
raison, je suis ravi de pouvoir mettre cette histoire ridicule derrière moi
parce que, maintenant, je peux partir en Hispanie.
— Quand penses-tu t’en aller ?
— Ce soir.
— Je croyais que le sénat avait interdit aux nouveaux
propréteurs de se rendre dans leurs provinces avant la fin du procès ?
— C’est vrai, mais je n’ai pas un moment à perdre. Les
créanciers sont à mes trousses. Il semblerait que je doive trouver dans les
vingt-cinq millions de sesterces avant de pouvoir acquérir quoi que ce soit.
Il eut un haussement d’épaules – un geste de
joueur : je me souviens qu’il semblait tout à fait détaché – et
se retira d’une démarche nonchalante vers sa résidence de fonction. Une heure
plus tard, flanqué d’une suite réduite, il était parti, et il échut à Crassus
de se porter garant de ses dettes.
Le témoignage de César avait été assez distrayant, pourtant
le clou du procès de Clodius fit son apparition au troisième jour, sous les
traits de Lucullus. On dit qu’à l’entrée du temple d’Apollon, à Delphes, il est
écrit trois choses : « Connais-toi toi-même », « De la
mesure en tout » et « Ne saisis jamais la loi ». Un homme a-t-il
jamais ignoré ces préceptes plus que Lucullus en cette affaire ? Oubliant
qu’il était censé être un héros militaire, il monta sur l’estrade tremblant du
désir de mener Clodius à sa perte et entreprit très vite de raconter comment il
avait surpris sa femme au lit avec son propre frère pendant des vacances où
celui-ci était leur invité dans leur maison de la baie de Naples, plus de dix
ans auparavant. Cela faisait des semaines qu’il les observait l’un avec l’autre,
poursuivit Lucullus – oh oui, la façon dont ils se touchaient, dont
ils se parlaient à voix basse dès qu’ils pensaient qu’il avait le dos tourné :
ils l’avaient pris
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