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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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pour un imbécile. Alors il avait ordonné aux servantes de sa
femme de venir lui montrer ses draps chaque matin et de lui faire un rapport
sur tout ce qu’elles avaient vu. Ces esclaves, six en tout, furent appelées à
témoigner, et, comme elles arrivaient les unes derrière les autres, les yeux
baissés et visiblement nerveuses, je reconnus parmi elles mon Agathe
bien-aimée, dont l’image ne m’avait guère quitté depuis notre rencontre, deux
ans plus tôt.
    Elles attendirent timidement pendant qu’on lisait leurs
dépositions, et je souhaitai de toutes mes forces qu’Agathe levât les yeux dans
ma direction. J’agitai la main. J’allai même jusqu’à siffler. Les gens qui m’entouraient
durent croire que j’étais devenu fou. Je finis par mettre mes mains en
porte-voix pour crier son nom. Elle tressaillit, cependant il y avait tant de
milliers de spectateurs entassés dans le forum, le vacarme était tel et l’éclat
du soleil si intense qu’il était peu probable qu’elle puisse me voir. Je voulus
me frayer un passage dans la foule immense, mais les gens qui se trouvaient
devant moi avaient fait des heures de queue pour avoir leur place, et ils
refusèrent de me laisser passer. J’entendis avec angoisse l’avocat de Clodius
annoncer qu’ils ne désiraient pas interroger ces témoins dans la mesure où leur
déposition n’avait rien à voir avec l’affaire, et les servantes furent
renvoyées du tribunal. Je vis Agathe se détourner avec les autres et descendre
de l’estrade, hors de vue.
    Lucullus reprit sa déposition et je sentis une véritable
haine enfler en moi à la vue de ce ploutocrate vieillissant qui possédait sans
en être conscient un trésor pour lequel j’aurais à ce moment donné ma vie. J’étais
si préoccupé que je perdis brièvement le fil de ce qu’il disait, et ce ne fut
qu’en entendant la foule pousser des exclamations et rire de bon cœur que je
prêtai à nouveau attention à son témoignage. Il racontait comment il s’était
caché dans la chambre de sa femme et les avait observés, elle et son frère, en
pleine fornication, « un chien sur une chienne », pour reprendre ses
propres termes. Et Clodius ne limitait pas ses vils appétits à une seule sœur,
poursuivit Lucullus, ignorant le bruit de la foule, il se vantait aussi d’avoir
conquis les deux autres. Sachant que le mari de Clodia, Celer, venait juste de
rentrer de Gaule cisalpine pour se présenter au consulat, cette allégation fit
particulièrement sensation. Clodius ne cessa de sourire pendant toute la
déposition de son ancien beau-frère, visiblement conscient que, quel que fût le
mal qu’il croyait lui infliger, c’était sa propre réputation que Lucullus était
en train de ternir. C’était le troisième jour et, en fin de journée, l’accusation
conclut sa plaidoirie. Je m’attardai après l’ajournement du procès dans l’espoir
d’apercevoir de nouveau Agathe, mais on avait dû l’emmener.
    Le quatrième jour, la défense entreprit de sortir Clodius de
cette fange. Cela semblait une tâche désespérée car personne, pas même Curion,
ne doutait vraiment de la culpabilité de son client. Il fit néanmoins de son
mieux. Toute sa défense reposait sur une simple confusion d’identité. Il
faisait sombre, les femmes étaient hystériques et l’intrus déguisé – comment
pouvait-on être certain qu’il s’agissait bien de Clodius ? Ce n’était
guère convaincant. Mais alors, tandis que la matinée touchait à sa fin, le
parti de Clodius produisit un témoin surprise. Un homme qui s’appelait C. Causinius
Schola, citoyen apparemment respectable de la ville d’Interamna, à quelque
quatre-vingt-dix milles de Rome, vint assurer que, la nuit en question, Clodius
se trouvait là-bas avec lui. Malgré un interrogatoire serré, il ne voulut pas
en démordre, et bien que ses déclarations allassent à l’encontre d’une douzaine
d’autres, dont celles de la propre mère de César, son témoignage inspirait
curieusement confiance.
    Cicéron, qui assistait à la scène depuis les rangs réservés
aux sénateurs, me fit signe d’approcher.
    — Soit cet homme ment, soit il est fou, me
chuchota-t-il. C’est bien le jour des mystères de la Bonne Déesse que Clodius
est passé me voir, non ?
    Maintenant qu’il m’en parlait, je me le rappelais aussi et
le lui confirmai.
    — De quoi s’agit-il ? s’enquit Hortensius, qui
était, comme d’habitude, assis à côté

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