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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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davantage de temps en manœuvres dilatoires et de pouvoir
terminer l’élection des prochains consuls avant le coucher du soleil, conformément
à nos lois ancestrales.
    Tout comme une balance parfaitement équilibrée peut soudain
basculer d’un côté ou de l’autre en ajoutant ou retirant quelques grains de
blé, l’atmosphère du sénat changea radicalement ce matin-là. Ceux qui, quelques
instants seulement plus tôt, avaient hué Catilina, réclamaient à présent à
grands cris le début de l’élection, et Cicéron décida sagement de ne même pas
soumettre la question au vote.
    — La curie sait visiblement ce qu’elle veut,
déclara-t-il d’une voix glaciale. Le scrutin commencera tout de suite.
    Puis il ajouta à voix basse :
    — Puissent les dieux protéger la république.
    Je ne crois pas que beaucoup de sénateurs l’aient entendu,
en tout cas certainement pas Catilina et sa clique, qui ne respectèrent même
pas le protocole habituel selon lequel le sénateur quittait la chambre en
premier. Les poings levés, poussant des cris de triomphe, ils se frayèrent un
chemin dans l’allée bondée et filèrent au forum.
    Cicéron était coincé. Il pouvait difficilement rentrer chez
lui comme un lâche. Il devait donc suivre le mouvement car rien ne pourrait
avoir lieu tant que le magistrat en charge, c’est-à-dire lui, ne se trouverait
pas sur le Champ de Mars pour vérifier les procédures. Quintus, qui s’inquiétait
toujours terriblement pour la sécurité de son frère et qui avait prévu très
exactement que les choses se termineraient ainsi, avait apporté son vieux
pectoral militaire, et il insista pour que Cicéron le porte sous sa toge. Je
vis bien que Cicéron hésitait, mais le moment était si tendu qu’il se laissa
convaincre et, tandis qu’un groupe de sénateurs se rassemblait autour de lui
pour l’abriter, je l’aidai à retirer sa toge, donnai un coup de main à Quintus
pour fixer l’armure de bronze puis rajustai la toge par-dessus. Naturellement,
la forme rigide du métal se voyait clairement sous le lainage blanc, toutefois
Quintus lui assura que, loin d’être un problème, ce serait au contraire un
avantage : l’armure découragerait tout assassin éventuel. Ainsi protégé,
et avec une escorte serrée de licteurs et de sénateurs autour de lui, Cicéron
sortit de la curie la tête haute pour s’immerger dans l’éclat et le vacarme de
cette journée d’élection.
    Le peuple affluait vers le Champ de Mars et nous nous
laissâmes porter par le flot. De plus en plus de partisans surgissaient et
faisaient corps autour de Cicéron, au point qu’une couche protectrice d’au
moins quatre ou cinq hommes constituait un écran entre lui et la foule. Un
rassemblement aussi énorme peut être terrifiant – monstre inconscient
de sa propre force et susceptible, à la moindre impulsion, de se ruer par-ci ou
par-là, de paniquer et d’écraser tout sur son passage. Sur le lieu du scrutin,
la foule était ce jour-là absolument immense, et nous nous y enfonçâmes comme
un coin dans une pièce de bois. Je me trouvais à côté de Cicéron, et nous fûmes
poussés et tirés par notre escorte jusqu’à l’endroit aménagé pour le consul. Il
s’agissait d’une longue estrade à laquelle on accédait par une échelle, et d’une
tente juste derrière où il pouvait se reposer.
    D’un côté, séparée par une palissade blanche, il y avait l’enceinte
des candidats, qui étaient plus d’une vingtaine. Il s’agissait ce jour-là de
voter à la fois pour le consulat et pour la préture. Catilina parlait avec
César et, lorsqu’ils virent arriver Cicéron, empourpré et revêtu de son
pectoral, ils éclatèrent tous deux de rire et firent signe aux autres de
regarder.
    — Je n’aurais jamais dû mettre cette saleté de truc, me
chuchota Cicéron. Je transpire comme un porc et ça ne protège même pas ma tête
et mon cou.
    Cependant, comme les élections avaient déjà pris du retard,
il n’eut pas le temps de l’enlever et dut immédiatement rejoindre les augures en réunion privée. Ils assurèrent que les auspices étaient bons, et Cicéron put
donner l’ordre de procéder au scrutin. Il monta sur l’estrade, suivi par les
candidats, et récita toutes les prières d’une voix ferme et sans le moindre
accroc. Les trompettes sonnèrent, le drapeau rouge fut hissé au sommet du
Janicule et la première centurie franchit le pont pour voter. Il ne

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