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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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ceinte du cordon sacré, descendit l’escalier
avec sa mère, moi aussi, je pleurai ; et je pleure encore aujourd’hui en
me remémorant son visage solennel et enfantin quand elle prononça ce vœu si
simple et pourtant chargé de sens : « Où tu seras Gaius, je serai
Gaia. » Frugi fit glisser l’anneau à son doigt et l’embrassa très
tendrement. Nous partageâmes le gâteau de mariage et en offrîmes une part à
Jupiter, puis au repas de noces, alors que le petit Marcus était assis sur les
genoux de Tullia et cherchait à lui arracher sa couronne parfumée, Cicéron
proposa de porter un toast aux jeunes mariés.
    — Je te donne, Frugi, ce que j’ai de mieux à offrir :
il n’est pas de nature plus douce, de meilleur caractère, de loyauté plus
inflexible, de courage plus résolu, de…
    Il ne put poursuivre et dut s’asseoir sous les
applaudissements nourris et chaleureux.
    Ensuite, entouré comme d’habitude par ses gardes du corps,
il rejoignit le cortège jusqu’à la demeure des Frugi, sur le Palatin. Il
faisait froid et il n’y avait pas beaucoup de monde dehors. Peu de gens nous
accompagnèrent. Frugi nous attendait devant chez lui. Il porta sa femme dans
ses bras et, ignorant les fausses prières de Terentia, lui fit franchir le
seuil de la maison. J’entrevis une dernière fois les grands yeux effrayés de
Tullia qui nous regardait depuis l’entrée, puis la porte se referma. Elle était
partie. Cicéron et Terentia n’avaient plus qu’à rentrer lentement chez eux en
silence, main dans la main.
    Cette nuit-là, assis à son bureau avant d’aller se coucher,
il remarqua pour la vingtième fois combien la maison paraissait vide sans elle.
    — Un seul petit membre de la maisonnée est parti,
commenta-t-il, et elle paraît si affreusement rétrécie ! Tu te rappelles
comme elle jouait à mes pieds, Tiron, pendant que je travaillais ? Ici,
exactement, ajouta-t-il en tapotant de la semelle le sol sous la table. Combien
de fois a-t-elle été le premier public de mes discours – pauvre
petite créature trop jeune pour comprendre ! Eh bien, voilà, acheva-t-il
avec un haussement d’épaules. Les années nous emportent comme de vulgaires
feuilles mortes, et l’on n’y peut rien.
    Ce furent les dernières paroles qu’il m’adressa ce soir-là.
Il partit se coucher, et je fis de même après avoir mouché les chandelles du
bureau. Je souhaitai bonne nuit aux gardes qui restaient dans l’ atrium et portai ma lampe dans ma chambre minuscule. Je la posai sur la table de nuit,
près de mon lit étroit, me déshabillai et m’allongeai, repensant comme d’habitude
à tous les événements de la journée avant de sombrer peu à peu dans le sommeil.
    Il était minuit… et tout était très silencieux.
     
    Je fus réveillé par des coups de poing contre la porte d’entrée.
Je me redressai en sursaut. Je n’avais guère dû dormir plus de quelques
instants. Le martèlement lointain retentit de nouveau, suivi par des aboiements
furieux, des cris et des bruits de pas précipités. J’attrapai ma tunique et l’enfilai
en me dépêchant vers l’ atrium . Cicéron, complètement habillé, était déjà
sorti de sa chambre et descendait l’escalier, précédé de deux gardes qui
avaient tiré leur épée. Terentia arrivait derrière lui, enveloppée dans un
châle. Les coups reprirent, plus vifs encore – on frappait à présent
avec un bâton ou à coups de pied sur le lourd panneau de bois. Le petit Marcus
se mit à pleurer dans la chambre des enfants.
    — Va demander qui c’est, m’ordonna Cicéron, mais n’ouvre
pas la porte.
    Puis, à l’adresse d’un des chevaliers, il ajouta :
    — Va avec lui.
    J’avançai prudemment le long du couloir. Nous avions déjà
pris un chien de garde – un gros chien de montagne noir et brun
appelé Sargon, comme les rois assyriens. Il grognait, aboyait et tirait sur sa
chaîne avec une telle férocité que je le crus capable de l’arracher du mur. J’appelai :
    — Qui est là ?
    La réponse fut étouffée, mais audible.
    — Marcus Licinius Crassus !
    — Il dit que c’est Crassus ! criai-je à Cicéron
pour couvrir le vacarme du chien.
    — Est-ce bien lui ?
    — On dirait sa voix.
    Cicéron réfléchit un instant. J’imagine qu’il estimait que
Crassus verrait sa mort d’un très bon œil, mais qu’un homme de son rang ne s’abaisserait
certainement pas à assassiner un consul en exercice. Il redressa les

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