Conspirata
Petreius, sénateur qui avait près de trente ans d’expérience
militaire, comme second d’Hybrida, et lui remit un ordre scellé qui ne devait
être ouvert qu’au cas où l’armée aurait effectivement à se battre.
À l’approche de l’hiver, la république semblait au bord du
gouffre. Lors d’une assemblée publique, Metellus Nepos s’attaqua violemment au
consulat de Cicéron, l’accusant de tous les crimes possibles – dictature,
faiblesse, imprudence, lâcheté, autosatisfaction, incompétence.
— Combien de temps encore, demanda-t-il, faudra-t-il
que le peuple de Rome se voie refuser les services du seul homme qui pourrait
le délivrer de cette infâme situation, à savoir Gnaeus Pompée, si justement
surnommé « le Grand » ?
Cicéron ne participait pas à l’assemblée, mais se fit
remettre un rapport complet de ce qui s’y était dit.
Juste avant la fin du procès de Murena – je crois
que ce devait être le 1 er décembre –, Cicéron reçut très tôt le
matin la visite de Sanga. Il entra, ses petits yeux brillants d’excitation
parce qu’il apportait des nouvelles capitales. Les Gaulois avaient fait ce qu’on
leur avait demandé et contacté Umbrenus, l’affranchi de Sura, sur le forum. Ils
avaient eu une conversation des plus naturelles et amicales. Les Gaulois
avaient pleuré sur leur sort, maudit le sénat et assuré qu’ils étaient
entièrement d’accord avec Catilina : mieux valait mourir que de vivre dans
cette situation d’esclavage. Umbrenus avait dressé l’oreille et proposé qu’ils
poursuivent cette conversation dans un endroit plus tranquille, puis il les
avait conduits chez Decimus Brutus, qui habitait tout près. Brutus – aristocrate
qui avait été consul quatorze ans plus tôt – n’avait rien à voir avec
la conjuration et ne se trouvait d’ailleurs pas à Rome, mais sa femme,
intelligente et enjôleuse, faisait partie des nombreuses conquêtes de Catilina,
et c’est elle qui suggéra qu’ils fissent cause commune. Umbrenus alla chercher
l’un des instigateurs du complot et revint avec le chevalier Capito, qui fit
jurer le secret aux Gaulois et leur annonça que l’insurrection était imminente
dans la cité. Dès que Catilina et les rebelles seraient près de Rome, le tribun
Bestia convoquerait une assemblée publique et demanderait l’arrestation de
Cicéron. Ce serait le signal du soulèvement général. Capito et un autre
chevalier, Statilius, à la tête de toute une troupe d’incendiaires,
allumeraient des feux dans une douzaine de lieux différents. Dans la panique
qui s’ensuivrait, le jeune sénateur Cethegus conduirait l’escadron de la mort
chargé d’assassiner Cicéron ; d’autres élimineraient les victimes qui leur
étaient assignées ; de nombreux jeunes gens tueraient leur père ; la
curie serait dévastée.
— Comment les Gaulois ont-ils réagi ? demanda
Cicéron.
— Suivant les instructions. Ils ont réclamé la liste
des hommes qui soutiennent la conspiration afin d’évaluer ses chances de
réussite, répondit Sanga.
Il présenta une petite tablette de cire couverte de noms
inscrits en lettres minuscules :
— Sura, lut-il, Longinus, Bestia, Sylla…
— Nous savons tout cela, l’interrompit Cicéron, mais
Sanga leva le doigt.
— … César, Hybrida, Crassus, Nepos…
— Quoi ! s’exclama Cicéron en arrachant la
tablette des mains de Sanga pour examiner la liste avec inquiétude. Ce ne peut
être qu’une invention, non ? Ils veulent paraître plus forts qu’ils ne le
sont.
— Je ne saurais en juger. Tout ce que je peux te dire,
c’est que ce sont les noms que Capito a donnés.
— Un consul, le grand pontife, un tribun et l’homme le
plus riche de Rome, qui se trouve avoir déjà dénoncé la conspiration ? Je
n’y crois pas.
Cicéron me lança néanmoins la tablette.
— Recopie-les, ordonna-t-il avant de secouer la tête.
Bien, bien… mieux vaut faire attention aux questions que l’on pose ou craindre
les réponses que l’on peut recevoir !
C’était l’une de ses maximes favorites dans les tribunaux.
— Que dois-je dire aux Gaulois de faire ensuite ?
questionna Sanga.
— Si cette liste est exacte, je leur conseillerais de
rejoindre la conspiration ! répondit Cicéron avec un rire amer. Quand a eu
lieu cette rencontre, précisément ?
— Hier.
— Et quand doivent-ils se rencontrer de nouveau ?
— Aujourd’hui.
— Donc, ils sont de
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