Contes populaires de toutes les Bretagne
trop
mauvais.
Camors (Morbihan).
Ces
mésaventures du Diable sont fréquentes dans la tradition populaire : elles
témoignent d’une sorte d’exorcisme vis-à-vis des dangers représentés par Satan.
Si le Diable guette les humains pour les emmener avec lui en enfer, les humains
se vengent en infligeant au Diable des tours de leur façon et en profitent pour
lui faire jurer de les laisser en paix. La région de Camors est
particulièrement riche en récits de ce genre.
L’OZEGAN SECOURABLE
Une femme faisait le tour du monde en mendiant pour gagner
sa vie. Un jour, elle rencontra un homme qui lui dit :
— Venez avec moi dans ma maison et vous ne verrez que
de l’argent.
La femme lui répondit :
— En quoi serais-je plus avancée d’aller chez vous pour
voir votre or et votre argent ? Ce qui m’intéresse, c’est qu’on me donne
quelque chose pour que je puisse manger.
— Venez toujours, et vous verrez bien ce que je vous
donnerai.
La femme le suivit jusqu’à sa maison. Il lui fit voir ce
qu’il avait dit. Il y avait beaucoup de richesses en or et en argent. Elle en
fut émerveillée. L’homme lui dit :
— Serez-vous contente de ce que je vous donnerai ?
— Oui, certainement.
Or les poches de son jupon étaient déjà pleines d’une
quantité de choses. On ne pouvait plus rien y mettre. Il lui remplit son
tablier de pièces de cinq francs.
— Êtes-vous contente, maintenant ?
— Je suis contente, mais j’aurai de la peine à les
porter.
— Non pas. Allez donc chez vous. Vous verrez bien.
Elle prit la direction de sa demeure et marcha sur la route.
À un moment, les attaches de son tablier cassèrent et les pièces tombèrent sur
le sol. Elle les ramassa soigneusement, et elle venait à peine de finir quand
elle vit un homme qui conduisait une voiture et qui lui dit :
— Vous êtes bien chargée.
— Oui, dit-elle. Mais si vous vouliez bien me laisser
monter dans votre voiture, j’arriverais plus vite chez moi, et sans me
fatiguer.
— Où habitez-vous ?
— Ce n’est pas loin d’ici.
— Qu’avez-vous dans votre tablier ?
— De l’argent.
— Alors, vous m’en donnerez un peu.
La femme monta dans la voiture. L’homme fouetta le cheval et
ils partirent sur la route.
— Je ne suis pas curieux, reprit l’homme, mais
j’aimerais bien savoir d’où vous venez avec cet argent.
— C’est un homme charitable qui me l’a donné.
— Vous m’en donnerez une partie.
— Mon brave homme, je vous donnerai deux pièces de cinq
francs.
— Deux seulement ! répondit l’homme. Ce n’est pas
beaucoup ! Pourtant votre tablier en est plein. Si j’étais mauvais, je
vous tuerais et j’aurais de quoi vivre.
Ils poursuivaient leur chemin. À un moment, un homme qui
marchait demanda à monter dans la voiture, et on lui dit de le faire. Il
s’assit entre l’homme et la femme, et en regardant la femme, il vit bien
qu’elle portait de l’argent dans son tablier.
— Je me demande, pensa-t-il, combien elle peut avoir
d’argent. Si elle ne va pas en voiture jusque chez elle, je l’aurai sûrement.
Ils arrivèrent à un bois de sapins. C’est par là que la
femme devait passer pour arriver à sa maison. Elle fit arrêter la voiture,
descendit et s’en alla sous le bois. Elle se retourna pour voir si personne ne
venait après elle et elle vit celui qui était monté le dernier dans la voiture.
Il s’approcha d’elle, regarda autour de lui pour s’assurer qu’il n’y avait
personne, puis il lui dit brutalement :
— La bourse ou la vie !
— C’est dur de vous donner mon argent, dit la femme,
mais ce serait encore plus dur de vous donner ma vie.
— Allons ! trêve de paroles ! je n’ai pas le
temps.
À ce moment, on entendit une voix qui venait du haut d’un
arbre. Et cette voix disait :
— Attends un peu ! je descends et tu sauras lequel
des deux perdra la vie !
Quelqu’un descendit de l’arbre. C’était un ozegan [7] .
Il se plaça entre les deux. Puis il dit à l’homme :
— N’as-tu pas honte de menacer cette pauvre
femme ? Cela fait quatre ans qu’elle court le monde et qu’elle n’est pas
revenue chez elle. Elle a de nombreux enfants et il est juste qu’elle rapporte
l’argent qu’elle a pu avoir au cours de son voyage. Que vais-je faire
maintenant pour te punir ?
L’homme demandait pardon à la femme et à l’ ozegan .
— Je ne te pardonnerai pas, dit l’ ozegan , car dès
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