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Crépuscule à Cordoue

Crépuscule à Cordoue

Titel: Crépuscule à Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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lui, je dus me frayer un chemin à travers une étrange assemblée. J’avais espéré un moment qu’au cours de ce genre de soirée je pourrais laisser mon intérêt professionnel au vestiaire. À tort. Les soupçons que je nourrissais sur les raisons ayant poussé le chef secrétaire à m’inviter m’avaient rendu méfiant et je gardais l’esprit en alerte. D’autant plus qu’après tant d’années passées à exercer mon métier d’enquêteur, c’était devenu chez moi une seconde nature.
    Le groupe avec lequel Læta et moi avions soupé était constitué de gens proches, habitués à festoyer ensemble. C’était loin d’être le cas ici. Les hommes présents donnaient l’impression de s’être retrouvés ensemble par hasard, après avoir repéré une place libre sur une couche ; leur proximité n’était visiblement pas une question d’affinité. Je percevais même une certaine gêne parmi eux. Mais je pouvais aussi très bien me tromper, mon intuition étant loin d’être infaillible.
    La pièce dans laquelle nous nous trouvions n’avait pas été conçue pour servir de salle à manger. Le sol de mosaïque blanche et noire n’offrait rien d’exceptionnel, si ce n’est un motif central un peu plus recherché, autour duquel on avait disposé les tables basses en carré. Neuf couches massives les entouraient de la manière la plus classique. Je suivis Læta jusqu’à un homme qui occupait la position centrale normalement réservée à l’hôte. Et, de fait, il donnait l’impression de tout vouloir régenter.
    — Falco, je te présente Quinctius Attractus, l’un de nos membres les plus éminents.
    Son nom ne m’était pas inconnu. C’était l’homme dont j’avais entendu mes compagnons de table se plaindre au cours du repas ; ils lui reprochaient d’être venu accompagné par des Bétiques.
    Il n’eut pas du tout l’air ravi de voir Læta et se contenta d’éructer une espèce de grognement que l’on pouvait interpréter à sa guise. C’était un solide sénateur d’une soixantaine d’années aux bras épais et aux doigts boudinés. Sans doute pas un véritable débauché, mais de toute évidence quelqu’un qui prenait du bon temps. Les cheveux qui lui restaient étaient noirs et frisés, et sa peau tannée paraissait indiquer qu’il s’efforçait d’arpenter ses centaines d’hectares de vignobles pour se convaincre qu’il restait proche de la terre.
    Peut-être souhaitait-il aussi investir dans des plantations d’oliviers ? d’où la présence des Bétiques ?
    Je n’eus pas à me montrer aimable. Le sénateur ne m’accorda pas la moindre attention. Læta ne se laissa pas décourager pour autant :
    — Tu nous as amené un autre de tes petits groupes, à ce que je vois ?
    — Je me suis dit que si je les amenais ici, ils allaient forcément se sentir comme chez eux, ricana Quinctius.
    Je ne pouvais m’empêcher d’être d’accord avec lui, même si son attitude arrogante me donnait un peu la nausée.
    — Et j’espère que cette soirée leur sera profitable  ! s’exclama Læta, avec toute la morgue d’un fonctionnaire ayant l’occasion d’humilier quelqu’un.
    Ignorant à quoi il pouvait bien faire allusion, je n’étais pas en mesure de goûter tout le sel de sa plaisanterie. Je regardai autour de moi. Avant mon arrivée, Anacrites avait semblé se distraire. Ce n’était plus le cas. Il se tenait désormais parfaitement immobile et silencieux. Ses étranges yeux gris paraissaient voilés. Il arborait une expression indéchiffrable. Il n’avait plus rien du convive exubérant que j’avais tout d’abord entrevu et semblait désormais aussi crispé qu’une jeune vierge s’apprêtant à céder pour la première fois à un berger dans une oliveraie. Ma présence avait sur lui un effet dévastateur. Et à la façon dont il observait Læta du coin de l’œil, tout en affectant de ne pas s’intéresser à sa présence, il était facile de comprendre que de le voir discuter avec Quinctius Attractus ne lui plaisait pas davantage.
    Des yeux, je fis le tour des couches regroupées trois par trois. Il n’était pas difficile de repérer les « intrus » bétiques dont l’invasion avait tant contrarié les collègues du chef secrétaire. Ils étaient bâtis comme des Hispaniques : un corps trapu et des jambes courtes. Il y en avait deux de chaque côté du vieux sénateur, composant avec lui la rangée centrale – la position la plus honorifique.

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