Crépuscule à Cordoue

la parturiente s’arrêta de pousser des cris de douleur juste le temps de hurler en m’apercevant :
    — Falco, espèce de salaud ! Comment as-tu pu me faire ça ? Va-t’en d’ici ! Va-t’en ! Je ne veux plus jamais te revoir !
    Je me sentis immédiatement en phase avec nos rudes ancêtres. Des hommes qui vivaient dans des huttes. Des hommes qui savaient tout faire parce qu’ils n’avaient pas le choix.
    J’entendis alors Ælia bafouiller dans mon dos :
    — Oh, Falco ! Le bébé doit être coincé, c’est affreux. Et Helena est déjà tellement fatiguée, on n’y arrivera jamais…
    La situation semblait en effet désespérée. Avec les larmes qui s’étaient mélangées à la sueur, le visage de ma compagne était effrayant à voir. Ælia se débattait avec la chienne qui gigotait pour s’échapper de ses bras. De vieilles inconnues passaient leur nez à la porte. Je laissai échapper un hurlement de rage avant de saisir un balai pour chasser toutes les femmes de la chambre. Helena Justina sanglotait de plus belle. Aucune importance. Nous étions assez de deux pour souffrir et paniquer. Après un bref instant de réflexion, ma décision était prise, et j’allai crier mes ordres à Ælia Annæa, la plus sensée d’entre toutes :
    — Vite ! Des quantités d’huile d’olive.
    Et j’ajoutai pensivement :
    — Fais-la chauffer légèrement. S’il te plaît.

Épilogue
    À L. Petronius Longus, de la quatrième cohorte de vigiles, Rome :
     
    Lucius Petronius, salutations de la terre du cru de Læitana qui, je puis te l’assurer, est digne de sa réputation – surtout quand un homme en boit de grandes quantités en état de stress. J’ai résolu l’affaire du meurtre survenu dans la juridiction de la deuxième cohorte – voir rapport codé ci-joint : les **** signifient « immonde ordure », mais dans la copie destinée au préfet, il serait peut-être plus judicieux d’écrire « jeune homme fourvoyé ». Je vais être obligé de rester un certain temps à l’endroit où je me trouve actuellement. C’est une fille. Elle est magnifique. Je crois que je suis amoureux… Comme au bon vieux temps. Tu te rappelles ?
    Eh bien, mon grand ami, ce que tu as réalisé trois fois, j’ai pu le faire au moins une. Ci-joint un autre rapport qu’avec un peu de chance tu ne liras pas au Forum dans la Gazette :
     
    Dernières nouvelles de Barcino.
    Nous venons tout juste d’apprendre que la famille d’un homme étroitement associé à l’empereur célèbre un heureux événement. Nous manquons de détails, mais croyons savoir que le bébé a été mis au monde par son père tandis que la mère hurlait : « Je n’ai pas besoin de toi ! Je le ferai toute seule, comme tout le reste ! » Il s’agit sans doute d’une exagération. Tout ce que M. Didius Falco, un enquêteur privé qui assure avoir été présent à l’accouchement, a accepté de nous dire, c’est que sa dague lui avait déjà rendu de précieux services, mais qu’il n’avait jamais imaginé qu’il devrait un jour s’en servir pour couper un cordon ombilical. L’œil au beurre noir qu’il a récolté pendant l’accouchement commence à aller mieux. S’il a un doigt cassé, c’est uniquement parce que sa noble compagne lui a serré la main trop fort au cœur de l’action. Les relations entre eux sont désormais au beau fixe, et il n’a pas la moindre intention de la traîner devant la justice…
     
    Je me sentais aussi épuisé qu’Helena. Nous avions tous les deux l’impression que nous ne nous remettrions jamais de cette épreuve. Notre fille montre déjà des signes de sa future personnalité : en cas de crise, elle ferme les yeux et s’endort profondément.

Remerciements
    Pendant que j’écrivais ce livre, j’ai appris la mort de Sam Bryson qui, un jour, m’a fait une démonstration pratique sur la façon dont Falco pourrait réagir face à un adversaire armé d’un poignard. Comme nous nous trouvions dans un restaurant, les autres dîneurs ont dû être quelque peu surpris…
    Je ne mentionne pas les livres que j’ai pillés, traitant notamment d’archéologie, parce que la série des Falco est pure fiction et n’a d’autre but que de distraire le lecteur. Mais à part les bibliothécaires et les guides touristiques dont c’est le métier, de nombreuses personnes m’ont généreusement aidée. Et le moment me paraît venu d’en remercier quelques-unes : par exemple Sue Rollin,