D'Alembert
à perfectionner et à refaire cette théorie rebelle aux formules.
La longueur des calculs dépasse toute prévision et s'accroît sans cesse. Pour l'astronome aujourd'hui tout est fait, rien n'est ébauché pour le géomètre.
Un problème très connu et par comparaison très facile donnera la clef de l'énigme. La quadrature du cercle est en géométrie comme la pierre philosophale en chimie, la chose impossible ; les ignorants seuls osent la chercher, et quand ils l'ont péniblement trouvée, il leur faut de nouveau de longs efforts pour décider un savant véritable à leur montrer, en entrant au détail, l'illusion de leur découverte. Les académies depuis longtemps rejettent avec dédain, sans en avoir pris connaissance, toute annonce d'une solution nouvelle. Le problème est classé comme insoluble. Archimède l'a résolu pourtant, précisément comme d'Alembert a résolu celui du mouvement de la lune, et, depuis deux mille ans, quiconque ne se contente pas de l'exactitude acquise peut, sans effort d'esprit, trouver, autant qu'il lui plaît, de nouveaux chiffres exacts et certains. Le rayon du cercle étant donné, la surface est connue avec une précision illimitée ; on peut partager un millimètre carré en un million de parties égales, et chaque partie, de nouveau, en un million de parties nouvelles, recommencer cinquante fois la division ; le résultat imperceptible de toutes ces opérations de l'esprit restera, si le calculateur le veut, supérieur à l'erreur commise. Que demande-t-on de plus ? Pourquoi traiter d'insoluble un problème si parfaitement résolu ? La réponse est bien simple : le géomètre veut une erreur nulle. Entre zéro pour lui et l'extrême petitesse, d'après les règles du jeu qu'il veut jouer, il y a un abîme. Une solution n'est pas plus ou moins parfaite, elle est exacte ou inexacte.
L'histoire du problème des trois corps est semblable.
Les travaux mathématiques de d'Alembert sont innombrables. Nous ne pouvons en faire le résumé. Il est impossible même de citer ceux qui pourraient, en l'absence de tout autre titre, assurer à son nom une place élevée dans l'histoire de la science. Ses études sur les cordes vibrantes sont du nombre.
Taylor avant d'Alembert avait résolu le problème ; Euler, Bernouilli et Lagrange s'y sont exercés après lui. Après de longues et subtiles discussions, leur désaccord a souvent subsisté.
Une gloire incontestable reste à d'Alembert : il a créé à l'occasion de ce problème de physique une méthode nouvelle d'analyse. D'Alembert est le créateur de la théorie si féconde des équations aux dérivées partielles.
Il faut dire toute la vérité. L'esprit de d'Alembert, ingénieux et profond sur toutes les parties de la science, se refusait sur l'une d'elles aux démonstrations les plus claires. Il a toujours repoussé les principes du calcul des probabilités, et, dans ses discussions plusieurs fois répétées avec Daniel Bernouilli, la postérité ne peut refuser à son illustre adversaire l'avantage d'avoir eu raison sur tous les points.
Malgré les travaux de Pascal, d'Huygens et de Jacques Bernouilli, d'Alembert refuse de voir dans le calcul des probabilités une branche légitime des mathématiques. Le problème qui fut le point de départ de ses doutes et l'occasion de ses critiques est resté célèbre dans l'histoire de la science sous le nom de «problème de Saint-Pétersbourg».
On suppose qu'un joueur, Pierre, jette une pièce en l'air autant de fois qu'il faut pour amener face.
Le jeu s'arrête alors et il paye à son adversaire Paul, 1 franc s'il a suffi de jeter la pièce une fois, 2 francs s'il a fallu la jeter deux fois, 4 francs s'il y a eu trois coups, puis 8 francs, 16 francs, et ainsi de suite en doublant la somme chaque fois que l'arrivée de face est retardée d'un coup. On demande combien Paul doit payer équitablement en échange d'un tel engagement ?
Le calcul fait par Daniel Bernouilli, qui avait proposé le problème, exige que l'enjeu de Paul soit infini. Quelque somme qu'il paye à Pierre avant de commencer le jeu, l'avantage sera de son côté ; tel est le sens du mot infini. Ce résultat, quoique rigoureusement démontré, semble contraire aux indications du bon sens. Aucun homme raisonnable ne voudrait payer cent francs les promesses de Pierre.
L'esprit de d'Alembert, pour repousser ce paradoxe, rejetait avec dédain les principes qui y conduisent, en proposant, pour en nier la rigueur
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