Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
Vom Netzwerk:
L’un d’eux en particulier avait attiré l’attention des responsables consulaires : Heinrich Rocholl était un employé de longue date qui aidait à préparer les rapports pour l’attaché commercial américain, dont les bureaux se situaient au premier étage du consulat de Bellevuestrasse. Durant son temps libre, Rocholl avait fondé un groupe pronazi, l’Association des anciens étudiants allemands en Amérique, qui diffusait une publication intitulée Rundbriefe . Récemment, Rocholl s’était fait prendre en train de tenter de « prendre connaissance du contenu  17  des rapports confidentiels de l’attaché commercial », selon une note que le consul général par intérim Geist envoya à Washington. « Il s’est aussi entretenu avec d’autres membres allemands du personnel qui participent à la rédaction des rapports, et leur a signifié que leurs travaux devaient à tous égards être favorables au présent régime. » Geist trouva dans un numéro de Rundbriefe un article dans lequel « des remarques désobligeantes étaient faites au sujet de l’ambassadeur ainsi que de M. Messersmith ». Pour Geist, ce fut la goutte de trop. Invoquant « un manque manifeste de loyauté à l’égard de ses supérieurs », Geist le renvoya.
    Dodd comprit que le meilleur moyen de mener une conversation vraiment privée avec quelqu’un était de donner ses rendez-vous au Tiergarten en se promenant, comme il le faisait souvent avec sir Eric Phipps, son homologue britannique. « J’irai marcher à onze heures trente  18  dans la Hermann-Göring-Strasse aux abords du Tiergarten, signala-t-il un matin à Phipps au téléphone, à dix heures. Pourriez-vous m’y rejoindre pour parler un moment avec moi ? » Et Phipps, en une autre occasion, envoya à Dodd une note manuscrite lui demandant : « Pourrions-nous nous rencontrer demain matin  19  à midi à Siegesallee, entre la Tiergartenstrasse et la Charlottenburger Chaussee, sur le côté droit (en venant d’ici) ? »
     
    Il est impossible de savoir si l’ambassade et la résidence des Dodd étaient réellement truffées d’appareils d’écoute, mais l’essentiel est que la famille ressentait la surveillance des Allemands comme omniprésente. Malgré le malaise  20  que cela faisait peser sur leurs vies, ils croyaient détenir un avantage important sur leurs homologues allemands : il ne pouvait leur arriver aucun mal. Toutefois, le statut privilégié de Martha n’offrait aucune protection à ses amis ; Martha avait là un vrai motif d’inquiétude, en raison de la nature des hommes et des femmes qu’elle fréquentait.
    Elle devait se montrer particulièrement prudente dans ses rapports avec Boris – qui, représentant un gouvernement honni par les nazis, était sans l’ombre d’un doute l’objet d’une surveillance rapprochée – et avec Mildred et Arvid Harnack, qui s’opposaient de plus en plus fermement au régime et commencaient à rassembler un groupe informel d’hommes et de femmes décidés à résister au pouvoir en place. « Lorsque je rencontrais des gens assez courageux  21  ou imprudents pour exprimer leur opposition à Hitler, écrit Martha dans ses mémoires, je passais des nuits blanches à me demander si un dictaphone ou un téléphone avait enregistré notre conversation, ou si des hommes avaient tout suivi et entendu. »
    Durant l’hiver 1933-1934, son anxiété se transforma en une sorte de terreur qui « frôlait l’hystérie »  22 , comme elle l’écrivit plus tard. Jamais elle n’avait eu aussi peur. Elle était couchée dans son lit, dans sa chambre, avec ses parents à l’étage, manifestement à l’abri, et cependant, quand les ombres projetées par les faibles réverbères remuaient sur son plafond, malgré elle, la nuit s’imprégnait de terreur.
    Elle entendait, ou croyait entendre, le crissement de semelles rigides sur le gravier dans l’allée en contrebas, un bruit discret et intermittent, comme si quelqu’un surveillait sa chambre. Le jour, ses nombreuses fenêtres laissaient entrer la lumière et les couleurs ; la nuit, elles lui donnaient un sentiment de vulnérabilité. Le clair de lune projetait des ombres mouvantes sur les pelouses et les trottoirs et auprès des grands piliers de la grille à l’entrée. Certaines nuits, elle croyait entendre des conversations chuchotées, même des coups de feu lointains, alors que, le jour, elle était capable d’identifier

Weitere Kostenlose Bücher