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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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laquelle Dodd attendait son prochain congé fut gâchée par deux demandes inattendues. La première arriva le lundi 5 mars 1934 : le ministre des Affaires étrangères, von Neurath, le convoqua dans son bureau et exigea avec colère qu’il fasse son possible pour arrêter un simulacre de procès de Hitler devant se tenir deux jours plus tard à Madison Square Garden, à New York. Le procès était organisé par l’American Jewish Congress, avec le soutien de l’American Federation of Labor (la Fédération américaine du travail) et une vingtaine d’autres organismes juifs et antinazis. Le projet mettait Hitler hors de lui, au point qu’il avait ordonné à son ministre et aux diplomates allemands à Berlin et à Washington de l’empêcher à tout prix.
    Il en résulta un déluge de protestations, réponses et rapports officiels qui révélèrent à la fois la susceptibilité allemande vis-à-vis de l’opinion du monde extérieur, et les efforts des hauts fonctionnaires américains pour éviter de critiquer directement Hitler et son parti. Le ton de retenue de ces échanges aurait été comique si les enjeux n’avaient été aussi graves, soulevant la question suivante : qu’est-ce qui empêchait le Département d’État et le président Roosevelt d’exprimer franchement leur réprobation au sujet d’Hitler, à un moment où de telles déclarations auraient manifestement pu entamer son prestige dans le monde ?
     
    Dès février, l’ambassade d’Allemagne à Washington avait eu vent du procès en préparation, qui était annoncé par des encarts dans le New York Times . L’ambassadeur d’Allemagne aux États-Unis, Hans Luther, s’était promptement plaint auprès du secrétaire d’État Hull, dont la réaction avait été prudente : « J’ai fait valoir que j’étais navré  1  de voir apparaître des différends entre des ressortissants de son pays et du mien ; que j’accorderais à la question toute l’attention possible et justifiable en ces circonstances. »
    Le 1 er  mars 1934, Rudolf Leitner, numéro deux de l’ambassade d’Allemagne, rencontra un haut fonctionnaire du Département d’État, John Hickerson, afin que celui-ci « s’efforce d’empêcher ce procès  2  car, s’il devait se tenir, il aurait un effet déplorable sur l’opinion publique allemande ». Hickerson répondit que, en raison de « nos garanties constitutionnelles protégeant la liberté d’expression », le gouvernement fédéral ne pouvait rien faire pour l’empêcher.
    Leitner avait du mal à comprendre cela. « Si la situation était inversée  3 , affirma-t-il à Hickerson, le gouvernement allemand trouverait certainement le moyen d’“arrêter une telle procédure”. »
    Sur ce point, Hickerson n’avait aucun doute  4 . « J’ai répondu que je n’étais pas sans savoir que, dans une telle situation, le gouvernement allemand a plus de latitude pour agir que le gouvernement américain. »
    Le lendemain, le vendredi 2 mars, l’ambassadeur Luther rencontra une deuxième fois le secrétaire Hull afin de protester contre le procès.
    Personnellement, Hull aurait préféré que le simulacre de procès n’eût pas lieu. Cela compliquait les choses et risquait de réduire encore la bonne volonté de l’Allemagne, s’agissant du remboursement de la dette. En même temps, il détestait le régime nazi. En se gardant de toute critique directe, il prenait un malin plaisir à répéter à l’ambassadeur d’Allemagne que les orateurs dans le cadre du procès « n’étaient en aucune façon  5  sous le contrôle du gouvernement fédéral », et, de ce fait, le Département d’État était impuissant à intervenir.
    C’est alors que le ministre allemand des Affaires étrangères convoqua Dodd dans son bureau. Von Neurath le fit attendre dix minutes, ce que Dodd « remarqua et n’apprécia pas »  6 . Ce retard lui rappelait la façon dont le même ministre l’avait snobé en octobre dernier, après son discours de Columbus Day sur Gracchus et César.
    Von Neurath lui tendit un mémorandum – une déclaration écrite remise par un diplomate à un autre, généralement sur une question grave où chaque mot doit être pesé pour ne pas déformer le message désiré. Le contenu de celui-ci était dénué de réserve et étonnamment menaçant. Il traitait le faux procès prévu de « démonstration malveillante »  7  et faisait état d’un ensemble de

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