Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
Vom Netzwerk:
autorisés.
    Sigrid Schultz prit le chemin du quartier du gouvernement central, guettant minutieusement certaines plaques d’immatriculation, celle de von Papen en particulier. Elle allait travailler non-stop jusqu’à quatre heures du matin, notant enfin dans son agenda : « Mortellement fatiguée… à en pleurer  5 . »
    Une des rumeurs les plus alarmantes  6  faisait état de salves de tirs groupés en provenance de la cour de la respectable École des cadets, dans l’enclave habituellement paisible de Gross-Lichterfelde.
     
    À l’hôtel Hanselbauer, Röhm revêtit  7  un costume bleu et sortit de sa chambre, toujours hébété et apparemment sans grand émoi devant la colère d’Hitler ou le branle-bas dans l’hôtel. Il avait un cigare planté au coin de la bouche. Deux inspecteurs le conduisirent à la réception de l’hôtel, où il s’assit dans un fauteuil et commanda un café à un serveur qui passait par là.
    Il y eut d’autres arrestations, d’autres hommes jetés dans la blanchisserie. Röhm demeura assis dans le hall. Kempka l’entendit commander une autre tasse de café, la troisième à présent.
    Röhm fut emmené en voiture ; le reste des prisonniers fut transporté dans un car privé à Munich, à la prison Stadelheim, où Hitler avait passé lui-même un mois en 1922. Les comploteurs empruntèrent des routes secondaires pour éviter tout risque de tomber sur des Sturmtruppen qui tenteraient de venir à la rescousse. Hitler et son groupe d’action dont les rangs grossissaient remontèrent en voiture, lesquelles étaient à présent au nombre de vingt, et foncèrent par une route plus directe pour Munich, stoppant tous les véhicules transportant des dirigeants SA qui, ignorant le cours des événements, s’apprêtaient à assister à la réunion prévue dans la matinée.
    À Munich, Hitler passa en revue une liste de prisonniers et traça une croix en face de six noms. Il donna l’ordre que ces six personnes soient immédiatement fusillées. Un escadron de SS en fut chargé, annonçant aux hommes juste avant de faire feu : « Vous avez été condamnés à mort  8  par le Führer  ! Heil Hitler !  »
    Avec obligeance, Rudolf Hess proposa d’exécuter lui-même Röhm, mais Hitler n’avait pas encore décidé de sa mort. Pour le moment, même lui trouvait répugnante l’idée de tuer un ami de longue date.
     
    Peu après son arrivée à son bureau berlinois ce matin-là, Hans Gisevius, le mémorialiste de la Gestapo, alluma sa radio sur la fréquence de la police et entendit des rapports qui décrivaient une opération de grande envergure. Les principaux cadres des SA étaient arrêtés, de même que des hommes sans aucun rapport avec les Sturmtruppen. Gisevius et Kurt Daluege, son patron, en quête d’informations plus détaillées, se rendirent directement au palais de Göring, sur la Leipziger Platz, d’où le ministre de l’Intérieur dirigeait les opérations. Gisevius restait près de Daluege, se figurant qu’il était plus en sécurité en sa compagnie que seul. Il se disait aussi que personne n’irait le chercher à la résidence de Göring.
    Le palais était facilement accessible à pied, mais ils y allèrent en voiture. Ils furent frappés par le calme absolu qui régnait dans les rues, comme s’il ne se passait rien d’inhabituel. Ils remarquèrent toutefois l’absence totale de Sturmtruppen.
    Cette impression de normalité disparut dès qu’ils tournèrent le coin de la rue et arrivèrent au palais de Göring. Des mitrailleuses dépassaient de chaque promontoire. La cour était pleine de policiers.
    Gisevius écrit : « Tandis que je suivais Daluege  9  en dépassant une succession de gardes et gravissais les quelques marches menant au vaste hall d’entrée, j’avais l’impression de pouvoir à peine respirer. Une atmosphère viciée, faite de précipitation, de nervosité, de tension et, par-dessus tout, de carnage, me frappa comme en pleine figure. »
    Gisevius se rendit dans une pièce voisine du bureau de Göring. Des sous-officiers et des messagers passaient à la hâte. Un SA était assis, tremblant de peur, Göring lui ayant annoncé qu’on devait le fusiller. Des serviteurs apportaient des sandwichs. Bien que surpeuplée, la pièce était calme. « Tout le monde chuchotait, comme si on était à la morgue », rapporte Gisevius.
    Par une porte ouverte, il vit Göring s’entretenir avec Himmler et

Weitere Kostenlose Bücher