Dans le jardin de la bête
grâce à Adolf Hitler ! »
Cependant, Dodd recevait encore des rapports qui indiquaient que la purge était loin d’être terminée. Rien n’était confirmé sur le sort réservé à Röhm et von Papen. Les coups de feu continuaient de résonner dans la cour de la caserne de Lichterfelde.
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P ARMI LES VIVANTS
L e dimanche matin, il faisait frais et ensoleillé, avec une petite brise. Dodd fut frappé par l’absence de traces visibles de ce qui s’était passé au cours des dernières vingt-quatre heures. « Ce fut un jour curieux 1 , écrivit-il, avec seulement quelques nouvelles ordinaires dans les journaux. »
On disait que von Papen était en vie, en résidence surveillée avec sa famille dans son appartement. Dodd comptait faire usage du peu d’influence qu’il possédait pour l’aider à rester en vie – pourvu que les rapports le disant encore vivant fussent exacts. À en croire la rumeur, le vice-chancelier était sur la liste des condamnés et l’exécution pouvait intervenir à tout moment.
Dodd et Martha se rendirent dans la Buick familiale jusqu’à l’immeuble des von Papen. Ils passèrent devant l’entrée en roulant au pas 2 , pour laisser les gardes remarquer la voiture et en reconnaître la provenance.
Le visage blafard du fils de von Papen apparut à une fenêtre, en partie caché par les rideaux. Un officier SS de garde à l’entrée de l’immeuble jeta un regard noir à l’automobile. Pour Martha, il était clair que le soldat avait compris que la plaque d’immatriculation était celle d’un diplomate.
Dans l’après-midi, Dodd retourna en voiture chez von Papen mais, cette fois, il s’arrêta et laissa une carte de visite à l’un des gardes sur laquelle il avait écrit : « J’espère que nous pourrons vous voir bientôt. »
Même si Dodd désapprouvait les manœuvres politiques de von Papen et sa conduite passée aux États-Unis, l’homme lui plaisait et il aimait s’affronter verbalement avec lui depuis leur vif échange à la soirée du Petit Bal de la presse. À présent, l’ambassadeur était révulsé à l’idée que des hommes soient exécutés sur un coup de tête d’Hitler, sans mandat ni procès.
Dodd rentra chez lui. Plus tard, le fils de von Papen confierait aux Dodd combien ses parents et lui leur étaient reconnaissants pour la seule apparition de la Buick dans la rue en ce sinistre après-midi.
Les rapports continuaient d’affluer à la résidence de l’ambassadeur américain, faisant état de nouvelles arrestations et de meurtres. Le dimanche soir, Dodd savait avec une certitude raisonnable que le capitaine Röhm était mort.
Voici comment les événements, reconstitués plus tard 3 , se déroulèrent.
Au début, Hitler hésitait sur le sort qu’il réservait à son ancien allié, enfermé dans une cellule de la prison de Stadelheim, mais il finit par céder à la pression de Göring et Himmler. Toutefois, Hitler insistait pour que Röhm ait le choix de se donner lui-même la mort.
L’homme qui se vit confier la mission d’accorder à Röhm cette ultime faveur était Theodor Eicke, commandant de Dachau, qui se rendit à la prison le dimanche avec un adjoint, Michael Lippert, et un autre SS du camp. Les trois hommes furent conduits dans la cellule de Röhm.
Eicke remit à Röhm un Browning et la dernière édition du Völkischer Beobachter , contenant un article sur ce que le journal appelait le « putsch de Röhm », visiblement pour montrer à ce dernier qu’il n’avait plus rien à espérer.
Eicke quitta la pièce. Dix minutes passèrent sans aucun coup de feu. Eicke et Lippert retournèrent dans la cellule, retirèrent le Browning, puis revinrent avec leurs propres armes à la main. Ils trouvèrent Röhm debout devant eux, torse nu.
Les comptes rendus varient 4 sur ce qui se passa précisément ensuite. Certains affirment que Eicke et Lippert firent feu sans mot dire. D’après un autre témoignage, Eicke cria : « Röhm, préparez-vous ! », sur quoi Lippert tira deux balles. Mais une autre version prête à Röhm un moment de panache : « Si je dois être tué, que ce soit de la main d’Adolf. »
La première salve ne le tua pas. Il resta allongé sur le sol à gémir : « Mein Führer, mein Führer . » Une balle fut tirée à bout portant dans la tempe.
Comme récompense 5 , Eicke reçut une promotion : il fut nommé à la tête de tous les camps de concentration
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