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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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d’Allemagne. Il appliqua à tous les camps placés sous son autorité les mesures impitoyables qu’il avait mises en place à Dachau.
    Ce dimanche-là, la Reichswehr reconnaissante s’acquitta d’un nouveau geste dans le cadre du marché conclu à bord du Deutschland . Le ministre de la Défense Blomberg, dans son ordre du jour de ce dimanche 1 er  juillet, déclara : « Le Führer, avec une résolution martiale  6  et un courage exemplaire, a attaqué lui-même et écrasé les traîtres et les assassins. L’armée, qui défend le peuple tout entier, à l’abri des conflits de la politique intérieure, témoignera de sa gratitude par son dévouement et sa loyauté. L’armée engagera volontiers de bonnes relations avec les nouveaux SA, comme le réclame le Führer, avec le sentiment que les idéaux de chacun sont partagés. L’état d’urgence est levé partout. »
     
    Comme le week-end avançait, les Dodd apprirent qu’une nouvelle phrase faisait le tour de Berlin, qu’on prononçait quand on rencontrait un ami ou une connaissance dans la rue, de préférence en haussant un sourcil d’un air narquois : «  Lebst du noch  ?  7  » que Martha traduisit par : « Tu es toujours parmi les vivants ? »

51
    F INIE, LA SYMPATHIE
    M algré les rumeurs qui continuaient de faire état d’une purge d’une violence saisissante, l’ambassadeur américain et sa femme décidèrent de ne pas annuler la fête de la déclaration d’Indépendance américaine, le 4 juillet, à l’ambassade, pour laquelle ils avaient invité quelque trois cents personnes. À vrai dire, il y avait maintenant davantage de raisons de donner cette réception, ne serait-ce que pour présenter une manifestation symbolique de la liberté des États-Unis et offrir un répit face à la terreur généralisée. C’était la première occasion officielle, depuis le week-end, où les Américains et les Allemands se trouveraient face à face. Les Dodd avaient invité également plusieurs amis de Martha, dont Mildred Fish Harnack et son mari, Arvid. Boris n’y assista pas, apparemment. Bella Fromm, qui était conviée, nota « une tension électrique » dans l’atmosphère. « Les diplomates semblaient nerveux  1 , rapporte-t-elle. Les Allemands étaient à cran. »
    Dodd et sa femme se tenaient à l’entrée  2  de la salle de bal pour accueillir chaque nouvel arrivant. Martha vit que, en apparence, son père se conduisait comme toujours dans ce genre de circonstances, cachant son ennui derrière des plaisanteries et des boutades, l’air d’un sceptique amusé qui semblait sur le point d’éclater de rire. Sa mère portait une longue robe bleue et blanche et accueillait ses invités à sa manière tranquille habituelle – toute la grâce du Sud, les cheveux argentés et son aimable accent – mais Martha décela une rougeur inhabituelle sur les joues de sa mère et remarqua que l’iris presque noir de ses yeux, toujours frappant, était particulièrement sombre ce soir-là.
    Les tables dans la salle de bal et le jardin étaient décorées de bouquets de fleurs rouges, blanches et bleues, et de petits drapeaux américains. Un orchestre jouait en sourdine des airs américains. Le temps était chaud mais nuageux. Les invités se promenaient dans la maison et le jardin. Globalement, c’était une scène paisible et irréelle, formant un puissant contraste avec le bain de sang des soixante-douze heures précédentes. Pour Martha et son frère, le décalage était trop flagrant pour passer inaperçu, de sorte qu’ils se firent un point d’honneur d’accueillir les plus jeunes de leurs invités allemands en lançant : «  Lebst du noch ?  »
    « Nous pensions faire les bravaches, en laissant percevoir aux Allemands un peu de la colère que nous éprouvions, écrit-elle. Aucun doute que nombre d’entre eux trouvèrent la remarque de mauvais goût. Certains nazis se montrèrent extrêmement irrités. »
    Des invités arrivèrent, porteurs de nouvelles. De temps à autre, un correspondant ou un employé d’ambassade tirait Dodd à l’écart pour quelques bribes de conversation. Il fut sûrement question, entre autres, d’une loi promulguée la veille par le Conseil des ministres qui légalisait tous les meurtres perpétrés ; elle les justifiait en tant qu’actions entreprises « pour la défense expresse de l’État ». Certains invités étaient pâles et tremblants en arrivant, craignant

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