Dans le jardin de la bête
savoir que sa maison avait été fouillée et son passeport confisqué. « Quand elle se mit à parler de son fils 7 , écrit Martha, son sang-froid disparut et elle devint folle d’angoisse. » Elle n’avait aucune idée de l’endroit où se trouvait Alex, ignorant s’il était mort ou vivant.
Elle supplia Martha et sa mère de tenter de retrouver Alex et de lui rendre visite, de lui apporter des cigarettes, n’importe quoi pour montrer à ses ravisseurs qu’il avait attiré l’attention de l’ambassade américaine. Les Dodd promirent d’essayer. Mme Dodd et Frau Regendanz convinrent d’un nom de code, Carrie, que celle-ci utiliserait désormais pour tout contact avec les Dodd ou l’ambassade.
Durant les jours suivants, les Dodd s’entretinrent de la situation avec des amis influents, diplomates et responsables gouvernementaux avec lesquels ils avaient sympathisé. Sans qu’on puisse savoir si leur intervention a joué un rôle, Alex fut libéré au bout d’un mois d’incarcération environ. Il quitta immédiatement l’Allemagne, par un train de nuit, et rejoignit son père à Londres.
Par des contacts, Frau Regendanz réussit à se procurer un autre passeport et à obtenir des réservations d’avion pour quitter l’Allemagne. Enfin parvenue à Londres avec ses enfants, elle envoya une carte postale à Mme Dodd : « Arrivée saine et sauve 8 . Avec toute ma reconnaissance. Affectueusement, Carrie. »
À Washington, le chef des Affaires de l’Europe occidentale, Jay Pierrepont Moffat, nota un afflux de demandes de la part de voyageurs américains qui voulaient savoir s’il était sans danger de se rendre en Allemagne. « Nous leur répondons 9 , notait-il, que, dans toute cette agitation, jusqu’à maintenant aucun étranger n’a été molesté et que nous ne voyons aucun motif d’inquiétude s’ils s’occupent de leurs affaires et évitent les ennuis. »
Sa mère, pour commencer, avait traversé sans encombre l’épuration et affirmait qu’elle avait trouvé cela « tout à fait excitant » 10 , signala plus tard Moffat dans son journal. Sa sœur habitait dans le quartier de Tiergarten, « qui avait été ceinturé par les soldats et elles devaient faire un grand détour pour entrer ou sortir ». Néanmoins, mère, fille et petite-fille partirent en voiture avec chauffeur pour faire comme prévu une visite de l’Allemagne.
Le Département d’État était surtout préoccupé par la dette en souffrance de l’Allemagne envers ses créanciers américains. Le décalage était étrange. L’Allemagne était à feu et à sang ; au Département d’État, à Washington, il n’était question que de cols blancs, de crayons rouges de Hull et de la frustration croissante à l’égard de Dodd qui n’avait pas réussi à plaider le dossier des États-Unis. Dans un télégramme en provenance de Berlin daté du vendredi 6 juillet, Dodd signalait qu’il avait rencontré le ministre des Affaires étrangères, von Neurath, sur la question des emprunts et que von Neurath avait promis qu’il ferait son possible pour que les intérêts soient honorés, mais que « cela serait extrêmement difficile » 11 . Quand Dodd avait demandé à von Neurath si les États-Unis pouvaient à tout le moins espérer le même traitement que d’autres créanciers internationaux, le ministre « a simplement exprimé l’espoir que cela soit réalisable ».
Le télégramme avait exaspéré le secrétaire d’État Hull et les vétérans du « bon petit club ». « De son propre aveu 12 , notait Moffat dans son journal, [Dodd] ne s’est pas beaucoup bagarré et c’est plutôt von Neurath qui s’en tire haut la main. Le secrétaire a beau savoir que [Dodd] ne se soucie guère de nos intérêts financiers, il a été outré par le télégramme de Dodd. »
Hull, furieux, ordonna à Moffat 13 de répondre sèchement à Dodd afin de le pousser « non seulement à saisir, mais à susciter toutes les occasions de faire valoir le bien-fondé de nos griefs ».
Le résultat fut un câble transmis à seize heures le samedi 7 juillet au nom du secrétaire Hull, qui demandait à Dodd s’il s’était élevé contre le manquement de l’Allemagne à honorer son emprunt obligataire, en faisant preuve « d’une extrême vigueur 14 tant du point de vue de la logique, de l’équité que de ses répercussions sur les quelque soixante mille principaux porteurs
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