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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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qui attirait de temps à autre des gens tels que Paul Robeson, Lillian Hellman, Margaret Bourke-White et Isamu Noguchi. La conversation y était brillante et agréable, et évoquait pour Martha les délicieux après-midi chez son amie Mildred Fish Harnack, bien que le souvenir de Mildred fût à présent encadré d’un filet noir. Martha avait reçu des nouvelles de sa vieille amie, qui revêtirent brusquement leur dernière rencontre à Berlin d’un lourd présage. Elle se souvenait qu’elles avaient choisi une table isolée dans un restaurant à l’écart et avec quelle fierté Mildred lui avait décrit « l’efficacité croissante »  4  du réseau clandestin qu’elle avait mis en place avec son mari, Arvid. Mildred n’était pas une femme très expansive, mais à la fin du déjeuner, elle embrassa Martha.
    À présent, Martha savait que, quelques années  5  après cette rencontre, Mildred avait été arrêtée par la Gestapo, de même qu’Arvid et des dizaines de membres de leur réseau. Arvid fut jugé et condamné à mort par pendaison ; il fut exécuté le 22 décembre 1942 à la prison de Plötzensee de Berlin. Le bourreau utilisa une corde courte pour faire durer le supplice pendant que Mildred était contrainte à regarder. À son propre procès, elle fut condamnée à six ans d’emprisonnement, jugement qui fut cassé par Hitler en personne. Lors du nouveau procès, la sentence fut la mort. Le 16 février 1943, à dix-huit heures, elle fut guillotinée. « Moi qui ai tant aimé l’Allemagne »  6 , furent ses dernières paroles.
     
    Pendant quelque temps, après son départ de Berlin, Martha continua de flirter discrètement avec le renseignement soviétique. Son nom de code était « Liza », même si cela paraît plus sensationnel que ce que révèlent les archives disponibles. Sa carrière d’espionne semble avoir consisté principalement à parler et à envisager des projets, bien que la perspective d’une participation plus spécifique séduisît certainement les responsables des services secrets soviétiques. Un câble secret de Moscou à New York en janvier 1942 la décrivait comme « une femme douée, intelligente et cultivée »  7 , mais notait qu’« elle exige une surveillance permanente de son comportement ». Un agent soviétique un peu plus prude resta de glace. « Elle se considère comme communiste  8  et affirme accepter le programme du Parti. En réalité, “Liza” est parfaitement représentative de la bohème américaine, une femme sexuellement décadente prête à coucher avec n’importe quel bel homme. »
    Sur les instances de Martha, son mari  9  se laissa approcher par le KGB – son nom de code était « Louis ». Martha et Stern ne faisaient pas mystère de leur intérêt pour le communisme et les causes progressistes, et, en 1953, ils attirèrent l’attention de la commission de la Chambre des représentants sur les activités anti-américaines, alors présidée par le représentant Martin Dies, qui les assigna à comparaître pour entendre leur témoignage. Ils s’enfuirent au Mexique puis, comme la pression des autorités fédérales s’accentuait, ils repartirent et finirent par s’installer à Prague, où ils adoptèrent un style de vie résolument non communiste dans une villa de trois étages et douze pièces, avec des domestiques. Ils achetèrent une Mercedes noire toute neuve  10 .
    Au début, l’idée d’être une fugitive internationale séduisit Martha, qui s’était toujours considérée comme une femme flirtant avec le danger, mais, les années passant, la lassitude s’empara d’elle. Au cours des premières années d’exil, leur fils donna des signes de troubles psychiques et on diagnostiqua une schizophrénie. Martha devint « obsédée »  11 , selon son mari, à l’idée que leur fuite agitée et les voyages qui s’ensuivirent étaient la cause de la maladie de Robert.
    Pour Martha et Stern, Prague était un lieu étrange, dont la langue était impénétrable. « Nous ne pouvons pas affirmer que nous nous plaisons ici  12 , pour être vraiment sincères, écrivit-elle à des amis. Naturellement, nous préférerions rentrer à la maison, mais la maison ne veut toujours pas de nous… C’est une vie extrêmement limitée sur le plan intellectuel et sur le plan créatif (d’autant que nous ne parlons pas la langue, un gros handicap) ; nous nous sentons isolés et souvent très

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