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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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bâtiments publics où tout le monde, du plus humble messager au plus haut fonctionnaire, se saluait en criant «  Heil Hitler » , transformant la moindre escapade aux toilettes en une expédition épuisante.
    Messersmith refusait de faire le salut et se mettait simplement au garde-à-vous, mais il comprenait que, pour l’Allemand moyen, cela n’aurait pas été suffisant. Par moments, il sentait une forte pression pour qu’il se conforme à la règle. À la fin d’un déjeuner auquel il assistait dans la ville portuaire de Kiel, tous les invités se mirent debout, le bras droit levé, en chantant l’hymne national et le Horst Wessel Lied . Messersmith se tint debout, respectueusement, comme il l’aurait fait aux États-Unis pendant l’hymne américain. Beaucoup des autres invités, dont plusieurs SA, le fusillèrent du regard et chuchotèrent entre eux comme s’ils essayaient de savoir qui il était. « J’ai senti que j’avais de la chance  24  que l’incident ait eu lieu à l’intérieur, parmi des gens intelligents dans l’ensemble, confia-t-il. Car si cela s’était produit lors d’un rassemblement de rue ou d’une manifestation à l’extérieur, personne ne se serait demandé qui j’étais et il est quasi certain que j’aurais été brutalisé. » Messersmith recommandait aux touristes américains d’essayer de prévoir quand interviendraient les chants et le salut et de quitter les lieux avant.
    Il ne trouvait pas drôle que, de temps à autre, l’ambassadeur Dodd lui adresse le salut  25  hitlérien pour rire.
     
    Au cours de la deuxième semaine de son séjour à Berlin, Martha découvrit qu’elle ne s’était pas dépouillée de son passé aussi complètement qu’elle l’avait espéré.
    Bassett, son mari, débarqua en ville pour ce qu’il appelait en privé sa « mission à Berlin », espérant récupérer Martha.
    Il descendit à l’Hôtel Adlon. Ils se virent plusieurs fois, mais Bassett n’eut pas droit à des retrouvailles émues comme il l’avait espéré. Il dut se contenter d’une cordiale indifférence. « Tu te souviens de notre balade à vélo  26  dans le parc, lui écrivit-il plus tard. Tu t’es montrée amicale, mais j’ai senti que quelque chose avait changé entre nous. »
    Pour aggraver encore les choses, vers la fin de son séjour, Bassett attrapa un mauvais rhume. Cela le mit à plat, juste à temps pour la dernière visite de Martha avant le départ de son mari.
    Il sut que sa mission à Berlin avait échoué dès qu’elle mit le pied dans sa chambre. Elle était accompagnée de son frère Bill.
    Ce fut un moment de cruauté ordinaire. Elle savait que Bassett l’interpréterait correctement. Elle s’était lassée. Elle l’avait aimé jadis, mais leur relation avait connu trop de malentendus et d’impératifs contradictoires. Là où il y avait eu l’amour, expliqua Martha par la suite, il n’y avait plus que des « braises » et cela n’était pas suffisant.
    Bassett comprit le message : « Tu en as assez  27 . Et qui pourrait te le reprocher ? »
    Il lui envoya des fleurs, reconnaissant sa défaite. La carte qui les accompagnait commençait par ces mots : « À ma charmante et ravissante ex-femme  28 . »
    Il repartit pour les États-Unis et Larchmont, New York, où l’attendaient une vie de banlieusard qui tond sa pelouse et taille les hêtres pourpres au fond de son jardin, l’apéritif du soir, des repas à la fortune du pot et le train du matin pour aller à la banque. Il lui avoua plus tard : « Je ne suis pas sûr du tout  29  que tu aurais été heureuse si tu avais épousé un directeur financier, préoccupé par la « Lettre de la Banque », l’éducation des enfants, l’association des parents d’élèves, et tout le reste. »
     
    La relation entre Martha et Sigrid Schultz ne tarda pas à porter ses fruits. Schultz donna le 23 juillet 1933 une soirée pour Martha en invitant plusieurs de ses proches amis, dont un autre correspondant, Quentin Reynolds, qui écrivait pour l’agence de presse Hearst News Service. Entre Martha et Reynolds, le courant passa instantanément. Il était grand et joyeux, les cheveux bouclés, et son regard donnait toujours l’impression qu’il avait envie de rire – bien qu’il eût la réputation d’être un professionnel intraitable, sceptique et futé.
    Ils se retrouvèrent cinq jours plus tard à l’Esplanade, Martha escortée par son

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