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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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Dodd, ne puisse s’y installer, le feu avait ravagé le bâtiment. Depuis lors, il se dressait, telle une épave solitaire, obligeant Sackett et maintenant Dodd à trouver un autre lieu de résidence. Sur le plan personnel, Dodd n’était pas fâché de cette situation. Même s’il condamnait le gaspillage  1  de toutes les sommes déjà englouties dans cette affaire – le gouvernement, écrit-il, avait payé un prix « exorbitant » pour ce palais, mais « vous savez que c’était en 1928 ou 1929, quand tout le monde était fou » –, il aimait l’idée d’habiter en dehors de l’ambassade. « Personnellement, je préférerais  2  avoir ma résidence à une demi-heure de marche que d’habiter à l’intérieur du palais », précisait-il. Il reconnaissait qu’avoir un bâtiment suffisamment vaste pour abriter les fonctionnaires subalternes serait une bonne chose, « mais n’importe lequel d’entre nous qui reçoit des visiteurs doit admettre que la proximité de la résidence et des bureaux nous priverait de toute intimité – laquelle est parfois tout à fait essentielle ».
    Martha et sa mère visitèrent les quartiers résidentiels agréables du Grand Berlin et découvrirent que la ville était pleine de parcs et de jardins, avec des plantes et des fleurs apparemment sur tous les balcons. Dans les quartiers les plus éloignés, elles virent ce qui semblait être de minuscules fermes, probablement juste ce dont rêvait le père de Martha. Elles croisèrent des escouades de jeunes gens en uniforme qui marchaient joyeusement au pas en chantant, et des formations de la Sturmabteilung plus menaçantes, comprenant des individus de toutes tailles et mal fagotés dans des uniformes dont l’élément principal était une chemise brune d’une coupe particulièrement peu flatteuse. Plus rarement, elles repérèrent les membres plus sveltes, mieux vêtus, des SS, en uniforme noir souligné de rouge, ressemblant à une espèce d’oiseau noir de taille démesurée.
    Martha et sa mère hésitèrent entre plusieurs résidences  3 , même si, au début, elles ne s’interrogèrent pas pourquoi autant de vieilles demeures étaient à louer avec leur mobilier luxueux, des tables et des chaises ouvragées, des pianos étincelants, des vases rares, des cartes et des livres encore à leur place. Le quartier juste au sud du Tiergarten leur plaisait particulièrement. Situé sur le trajet de Dodd quand il se rendait à l’ambassade, il comportait des jardins ravissants, une ombre généreuse, une atmosphère tranquille et tout un éventail de belles bâtisses. Une résidence dans le quartier était devenue disponible, ce qu’elles apprirent par l’attaché militaire de l’ambassade, qui tenait la nouvelle directement de son propriétaire, Alfred Panofsky, le riche propriétaire juif d’une banque privée et un des nombreux Juifs – quelque seize mille, ou environ 9 % des Juifs de Berlin – qui habitaient ce quartier. Bien que les Juifs fussent chassés de leurs emplois partout dans le pays, la banque de Panofsky continuait à fonctionner et, chose remarquable, l’administration fermait les yeux.
    Panofsky promit que la location serait d’un montant très raisonnable. Dodd, qui commençait à avoir des doutes mais restait fidèle à son vœu de ne pas outrepasser le montant de son traitement, fut intéressé et, vers la fin de juillet, alla visiter la maison.
     
    La résidence du 27 a Tiergartenstrasse était un hôtel particulier de quatre étages en pierre qui avait été construit pour Ferdinand Warburg, de la célèbre dynastie des Warburg. Le parc se trouvait de l’autre côté de la rue. Panofsky et sa mère firent visiter les lieux à la famille de l’ambassadeur ; Dodd apprit alors que, en fait, Panofsky ne proposait pas la totalité de la maison, mais seulement les trois premiers étages. Le banquier et sa mère prévoyaient d’habiter le dernier étage et se réservaient également l’usage de l’ascenseur électrique de la maison.
    Panofsky était suffisamment fortuné pour ne pas avoir besoin de louer la maison, mais il en avait vu suffisamment depuis l’accession d’Hitler au poste de chancelier pour savoir qu’aucun Juif, fût-il banquier, n’était à l’abri des persécutions. Il proposait le 27 a au nouvel ambassadeur dans l’intention délibérée d’y gagner, pour sa mère et lui, un surcroît de sécurité physique, en comptant que même les

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