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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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vous pouvez m’appeler », répondit-elle.
    Martha dansa avec d’autres. À un moment donné, elle regarda derrière elle vers sa table et repéra les Knickerbocker avec Boris assis auprès d’eux. Boris l’observait.
    « Aussi incroyable que cela paraisse, raconte-t-elle, j’eus l’impression après son départ que l’air autour de moi était plus lumineux et plus vibrant. »
     
    Quelques jours plus tard, Boris appela. Il se gara devant la maison des Dodd, se présenta à Fritz, le majordome, puis fonça à l’assaut des marches qui conduisaient à l’étage, un bouquet de fleurs d’automne dans une main, un disque pour le phonographe dans l’autre. Il ne lui baisa pas la main, heureusement, car ce rituel allemand agaçait Martha. Après un bref préambule, il lui tendit le microsillon.
    « Vous ne connaissez pas la musique russe, n’est-ce pas, gnädiges Fraulein  ? Avez-vous déjà écouté La Mort de Boris , de Moussorgski ?… J’espère, ajouta-t-il, que ce n’est pas ma mort que je vais vous faire entendre. »
    Il rit. Pas elle. Elle fut frappée par un « sombre présage ».
    Ils écoutèrent la musique – la scène de la mort dans Boris Godounov , l’opéra de Modeste Moussorgski, interprétée par la célèbre basse Fédor Chaliapine – puis Martha fit visiter la maison à son invité, terminant par la bibliothèque. À une extrémité se tenait le bureau de son père, immense et sombre, dont les tiroirs étaient toujours fermés à clé. Le soleil de fin d’automne traversait les vitraux de la haute fenêtre, formant des rais de lumière multicolores. Elle l’entraîna vers son divan préféré.
    Boris était enchanté. « C’est notre coin, gnädiges Fraulein  ! s’exclama-t-il. Mieux que tous les autres. »
    Martha s’assit sur le divan ; Boris rapprocha un fauteuil. Elle sonna Fritz pour lui demander d’apporter de la bière et un en-cas de bretzels, de rondelles de carotte, de concombre et de tranches de fromage grillé, qu’elle servait quand elle recevait des visites impromptues.
    Fritz apporta la nourriture, en marchant à pas de loup, presque comme s’il tentait de saisir les conversations. Boris supposa, à juste titre, que Fritz avait, lui aussi, des racines slaves. Les deux hommes échangèrent des amabilités. Se calquant sur le comportement désinvolte de Boris, Fritz demanda : « Vous autres, communistes, vous avez vraiment mis le feu au Reichstag ? »
    Boris lui adressa un sourire malicieux, avec un clin d’œil. « Bien sûr, répliqua-t-il, nous avons été complices, vous et moi. Vous ne vous rappelez pas le soir où nous étions chez Göring et qu’on nous a montré le passage secret vers le Reichstag ? » C’était une allusion à la théorie largement répandue qu’une équipe d’incendiaires nazis s’était secrètement rendue du palais de Göring au Reichstag en passant par un souterrain qui reliait les deux bâtiments. Lequel tunnel, de fait, existait.
    Ils rirent tous les trois. Cette fausse complicité au sujet de l’incendie du Reichstag resterait une blague entre Boris et Fritz, souvent répétée sous diverses formes, à la grande joie du père de Martha – même si Fritz, d’après Martha, était « presque certainement un agent de la police secrète ».
    Fritz revint avec la vodka. Boris se versa une généreuse rasade, qu’il avala rapidement. Martha s’installa confortablement sur le divan. Cette fois, Boris s’assit à ses côtés. Il but une deuxième vodka mais n’en laissa paraître aucun effet.
    « Depuis le premier instant où je vous ai vue… », commença-t-il. Il hésita. « Est-ce possible ? Je me le demande. »
    Elle comprit ce qu’il essayait de dire et, de fait, elle éprouvait, elle aussi, une attirance irrésistible, immédiate, mais n’entendait pas céder du terrain dès le début de la partie. Elle le regarda, sans expression.
    Il devint sérieux. Il se lança dans un interrogatoire interminable. Que faisait-elle à Chicago ? Comment étaient ses parents ? Que voulait-elle faire dans le futur ?
    Leur conversation ressemblait davantage à une interview pour un journal qu’à un premier rendez-vous. Martha trouva cela ennuyeux mais se montra patiente. D’après ce qu’elle en savait, c’était ainsi que se comportaient tous les Soviétiques. « Je n’avais encore jamais rencontré de vrai communiste, ni même de Russe d’ailleurs, écrit-elle. J’imaginais donc

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