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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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passer son bras autour d’elle en conduisant. Il semblait avoir besoin sans arrêt de son contact. Il lui prenait la main et la tenait sur son genou ou glissait les doigts de la jeune femme dans son gant. Il leur arrivait de partir en voiture très tard et parfois de rester dehors jusqu’à l’aube, « pour saluer le soleil levant dans les forêts vert sombre pailletées de l’or automnal », écrit Martha.
    Son anglais était limité, mais il apprit le mot Darling , qu’il adorait et utilisait à la moindre occasion. Il murmurait aussi des mots doux en russe qu’il refusait de traduire, prétendant que cela en diminuerait la beauté. En allemand, il l’appelait « ma petite fille », « ma douce enfant » ou « ma petite ». Elle pensait qu’il le faisait en raison de sa taille à elle, et aussi à cause de l’idée qu’il se faisait de son caractère et de son immaturité. « Il m’a dit un jour que ma naïveté et mon idéalisme étaient difficiles à comprendre. » Elle sentait qu’il la trouvait trop « frivole » pour tenter même de lui enseigner les principes du communisme. À cette période, reconnaissait-elle, elle devait « apparaître comme une jeune Américaine totalement naïve et têtue, une source d’irritation pour toutes les personnes sensées de ma connaissance ».
    Elle trouvait que Boris aussi prenait la vie à la légère, du moins en apparence. « À trente et un ans, il avait une gaîté et une foi enfantines, un humour délirant et un charme qu’on ne trouve pas souvent chez les hommes mûrs. » De temps à autre, toutefois, la réalité faisait intrusion dans ce que Martha appelait leur « monde de rêve, fait de dîners et de concerts, de théâtre et de joyeuses festivités ». Elle percevait en lui une certaine tension. Il était particulièrement consterné de voir avec quelle facilité le monde acceptait les professions de paix d’Hitler, alors même qu’il préparait ostensiblement le pays à la guerre. L’Union soviétique semblait une cible probable. Il était aussi inquiet du fait que sa propre ambassade voyait d’un mauvais œil ses relations avec Martha. Ses supérieurs lui adressèrent une réprimande. Il n’en tint aucun compte.
    De son côté, Martha subissait une pression plus officieuse. Boris plaisait à son père, pensait-elle, mais ce dernier se montrait souvent réticent en présence de Boris, « parfois même en opposition systématique ». Elle attribuait surtout cela à sa crainte que Boris et elle se marient.
    « Nous perturbons mes amis et ma famille, confia-t-elle à Boris. Que peut-il en résulter ? Rien que des complications, de la joie maintenant, et puis, par la suite, peut-être un long désespoir. »
     
    Pour une de leurs sorties de septembre, Boris et Martha partirent à la campagne en emportant un pique-nique. Ils trouvèrent une clairière isolée, dans laquelle ils étalèrent leur couverture. L’air était envahi par l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. Tandis que Boris était couché sur la couverture, souriant au ciel, Martha arracha un brin de menthe sauvage avec lequel elle lui chatouilla le visage.
    Il le conserva, comme elle le découvrit plus tard. C’était un romantique, un collectionneur de trésors. Même dans ces premiers temps de leur relation, il était profondément épris – et, comme il se doit, dûment surveillé.
    Il semble que, à l’époque, Martha n’avait aucune idée de ce que suspectaient de nombreux correspondants de presse : Boris n’était pas un simple premier secrétaire d’ambassade, mais plutôt un agent secret des services soviétiques, le NKVD, précurseur du KGB.

15
    L E « PROBLÈME JUIF »
    E n tant qu’ambassadeur, Konstantin von Neurath, le ministre allemand des Affaires étrangères, était le principal interlocuteur de Dodd. Aiguillonné par l’affaire Kaltenborn, Dodd fit en sorte de rencontrer von Neurath le matin du jeudi 14 septembre 1933 pour protester de manière officielle non seulement contre cet épisode, mais aussi contre les nombreuses autres agressions contre des Américains et le peu d’enthousiasme apparent du régime à présenter les coupables devant la justice.
    Leur conversation eut lieu dans le bureau de von Neurath au ministère des Affaires étrangères, dans Wilhelmstrasse.
    Elle commença sur un ton plutôt aimable  1  avec une discussion sur des aspects économiques, mais l’atmosphère se tendit rapidement

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