Dans l'intimité des reines et des favorites
1
À onze ans, la reine Margot avait deux amants
Aussi mouvante que le mercure, elle branlait
pour le moindre objet qui rapprochait.
Le Divorce satyrique
Le 24 mai 1553, au début de l’après-midi, un groupe de valets sortit en courant du château de Saint-Germain-en-Laye et s’élança dans le jardin en criant joyeusement :
— La reine entre en gésine ! La reine entre en gésine !
Tous les courtisans qui digéraient calmement sur la terrasse en contemplant le cours de la Seine se levèrent aussitôt et bondirent vers la chambre de Catherine de Médicis.
Quelques instants plus tard, une foule compacte se pressait autour du lit où la Florentine s’agitait de façon désordonnée. Un hurlement vint annoncer aux assistants ravis qu’ils ne s’étaient pas dérangés pour rien. D’un geste vif le médecin retira les draps et se pencha avec des airs de pince-sans-rire sur le ventre nu de Sa Majesté, tandis que les dames d’atours essayaient de contenir les gentilshommes qui ne voulaient rien perdre du spectacle.
Finalement, la reine accoucha d’un gros bébé que le praticien montra à l’assemblée.
— C’est une fille, dit-il, après avoir jeté un coup d’œil connaisseur.
Une dame de compagnie prit l’enfant, la présenta à Henri II et à Diane de Poitiers [1] puis la mit dans un berceau, où ses trois frères, le futur François II , âgé de neuf ans, le futur Charles IX , âgé de trois ans, et le futur Henri III , qui avait tout juste dix-huit mois, vinrent la contempler.
— Nous l’appellerons Marguerite, dit le roi.
Par un amusant signe du destin, on donnait ainsi à cette petite fille qui allait devenir la plus grande séductrice de notre histoire précisément le nom de la fleur dont se servent les amoureux pour mesurer leurs sentiments.
« Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… »
Elle, c’est à la folie qu’elle devait aimer l’amour durant toute son existence.
Pendant les années de la première enfance, Margot vécut chastement et l’on put croire qu’elle serait une petite fille comme les autres : elle jouait à la poupée sans y ajouter cette perversité qui fait la joie des psychanalystes et ne montrait aucune curiosité déplacée.
À onze ans tout changea. Un feu assez vif la tourmenta au bon endroit et elle commença à lorgner les garçons d’une façon qui inquiéta son entourage. Alors, nous dit Brantôme, « Catherine de Médicis, constatant qu’elle étoit d’un sang chaud et bouillant, lui fit user ordinairement en tous ses repas de jus de vinette qu’on appelle en France oseille ». Le remède ne semble pas avoir été très efficace, car Marguerite eut alors deux amants [2] .
Ces pionniers se nommaient Antragues et Charins. Dans quel ordre se présentèrent-ils ? La petite histoire est muette sur ce point important et l’on ne saura jamais lequel des deux a essuyé les plâtres…
Voici, en effet, ce que nous dit l’auteur du Divorce satyrique : « Auquel âge (à onze ans), Antragues et Charins eurent les prémices de sa chaleur, qui augmentant tous les jours, et eux n’étant point suffisants à l’éteindre, – encore que Antragues y fit un effort qui lui a depuis abrégé la vie, – elle jeta l’œil sur Martigues, et l’y arrêta si longtemps qu’elle l’enrôla sous son enseigne. » Ce troisième amant venait la retrouver dans les fourrés du parc de Saint-Germain-en-Laye et lui donnait d’enivrantes leçons de choses…
Pendant quelques années, la fillette s’amusa ainsi avec différents gentilshommes, sans avoir le moins du monde l’impression de commettre une faute. Élevée au milieu des demoiselles de l’Escadron Volant, il lui paraissait, en effet, tout naturel de se laisser aller à ses instincts, et d’entrer dans le lit des jeunes gens qu’elle trouvait plaisants…
L’amour, pour elle, n’avait pas le goût du péché : elle s’y livrait joyeusement, ignorant les contraintes qui créent les refoulements. Tout lui semblait simple, permis, et elle considérait sans trouble les situations galantes les moins orthodoxes.
C’est ainsi qu’elle devint à quinze ans la maîtresse de ses trois frères.
Certains historiens particulièrement pudibonds refusent de croire à ces turpitudes ; pourtant l’auteur du Divorce satyrique est, à ce sujet, formel : « Elle ajouta tôt après à ses sales conquêtes ses jeunes frères, dont l’un, à savoir François
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