Dans l'intimité des reines et des favorites
se jeta aux pieds de sa mère et avoua tout.
Aussitôt, l’alarme fut donnée. Il en résulta un affolement général. Les cardinaux de Lorraine et de Guise sautèrent sur leurs chevaux et partirent dans la nuit. On rassembla les bagages à la hâte et la cour prit le chemin de Paris, traînant dans une litière Charles IX grelottant de fièvre qui gémissait et disait :
— Du moins, s’ils avaient attendu ma mort !…
En tête de cette suite de voitures dont les roues crissaient sur la route gelée, roulait le coche de Catherine de Médicis. À l’intérieur, près de la Florentine impassible, se trouvaient, transis et fort piteux, le roi de Navarre et Alençon, traités maintenant en conspirateurs…
Le lendemain, au Louvre, Alençon accusa La Mole et Coconas d’être à l’origine de la conspiration. De son côté, Henri de Navarre se prétendit offensé par les calomnies dont il était l’objet et se défendit avec habileté.
Les deux chefs du complot furent donc lavés de tout soupçon, et la colère du roi retomba sur La Mole et Coconas…
Les malheureux allaient payer pour tout le monde [20] …
Le 30 avril 1574, ils eurent la tête tranchée en place de Grève ; puis leurs corps furent coupés en quatre quartiers et accrochés aux portes de la ville afin de fournir un spectacle intéressant au menu peuple…
Lorsque la nuit fut tombée, la duchesse de Nevers et Marguerite, qui avait tout de même quelques remords, envoyèrent un de leurs amis, Jacques d’Oradour, racheter les têtes au bourreau. Ayant baisé leurs lèvres froides, elles les rangèrent avec soin dans un tiroir et, le lendemain, les firent embaumer.
Après quoi, nous dit un chroniqueur, « elles remplirent la bouche des défunts avec des pierreries qui venaient d’eux, et enveloppèrent ces têtes dans leurs plus riches jupes ; puis, les ayant fait couvrir de plomb et de caisses de bois, firent faire des outils exprès, creusèrent elles-mêmes avec iceux des fosses à Montmartre, parce qu’ils étaient leurs martyrs, et y mirent ces têtes ».
Les restes de La Mole et de Coconas devaient avoir un curieux destin… Voici en effet ce que nous dit Bassompierre dans ses Mémoires :
« En ces derniers temps, Madame de Montmartre, qui a réformé son abbaye et renfermé ses religieuses, a fait faire un grand clos ; comme on y faisait les murailles, et fouissant, on a trouvé ces deux caisses, et dedans, ces deux têtes avec ces joyaux ; on a pieusement cru que ce devaient être les têtes de quelques martyrs pour la foi, que le zèle des chrétiens avait autrefois enterrées en ce lieu, et mis ces bagues dans ces mêmes caisses ; et ainsi ils ont été relevés, la chapelle des martyrs bâtie et ces têtes enchâssées et révérées [21] … »
Comme quoi l’amour mène parfois au ciel…
Pendant quelques jours, Marguerite essaya consciencieusement d’être fidèle à la mémoire du cher disparu. Ses efforts étaient louables, car de nombreux jeunes gens tournaient déjà autour d’elle avec un air un peu trop poli pour être honnête. Et sans doute eût-elle rapidement oublié son deuil dans le lit de l’un d’eux si elle n’avait pris le soin de porter une petite tête de mort à son revers de corsage en guise de pense-bête [22] .
Mais les meilleurs sentiments ne résistent pas longtemps aux poussées d’une nature généreuse. Marguerite se sentit, au bout d’une semaine, dans un état de grande surexcitation qui la gênait pour trouver ses mots et l’empêchait de s’asseoir. Il lui fallait un calmant. Elle le trouva en la personne d’un garçon de la cour, nommé Saint-Luc, qui était réputé pour son intarissable vigueur. En quelques séances, il apaisa le tourment de Margot. Alors, la jeune reine recommença à fréquenter les bals. Un soir, elle y rencontra le beau Charles de Balzac d’Entragues et devint sa maîtresse. Elle ignorait que ce gentilhomme était poussé vers elle par le duc de Guise, qui voulait ainsi la rapprocher de son parti…
La cour était alors à Lyon, où l’on fêtait l’arrivée de Henri III qui rentrait de Pologne [23] . Le roi aimait toujours sa sœur d’un amour un peu trouble ; en apprenant qu’elle partageait le lit d’Entragues, il éprouva une vive irritation et imagina de pousser Henri de Navarre à se montrer un peu plus soucieux de sa dignité de mari… Par la même occasion il pensait pouvoir lui révéler les jeux
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