Dans l'intimité des reines et des favorites
s’écria-t-elle.
Un garde alla chercher Marguerite qui arriva, les yeux bouffis de sommeil. Dès qu’elle eut pénétré dans la chambre, le roi et la reine mère se jetèrent sur elle. À coups de pied, à coups de poing, ils l’assommèrent en la traitant de « drouine, sac de nuit et blanchisseuse de tuyaux de pipe »… Ce qui, on en conviendra, n’était pas des appellations pour une fille de roi.
Marguerite sortit de leurs mains le nez en sang, le visage tuméfié, les cheveux en désordre et les vêtements en lambeaux. Son aspect était si lamentable que Catherine eut peur qu’on ne soupçonnât ce qui venait de se passer et prit soin de réparer les dégâts au moyen de compresses et d’eau douce. Enfin, pendant une heure, elle s’efforça de recoudre elle-même la robe déchirée…
Si Catherine était apaisée par la correction qu’elle venait de donner, Charles IX ne l’était point. Il appela son demi-frère Henri, bâtard d’Angoulême [7] , et le chargea d’assassiner le duc au cours d’une partie de chasse qui devait avoir lieu le lendemain.
— Voici deux épées, lui dit-il, il y en a une pour te tuer si demain tu ne tues pas Henri de Guise !
Heureusement, Marguerite eut vent de la chose et avisa son amant qui resta chez lui. Quelques semaines plus tard, pour faire croire que leur liaison était finie, elle le poussa en outre à épouser Catherine de Clèves, veuve du prince de Porcien…
Le bel Henri accepta cette prudente solution avec d’autant plus de docilité qu’il couchait secrètement dans le lit de la princesse depuis quelque temps déjà…
Si ce mariage calma un peu la colère de Charles IX , il n’apaisa point celle du duc d’Anjou qui était toujours amoureux de Marguerite. On s’en aperçut quelques jours plus tard. Croisant celui qu’il considérait comme son rival, le futur Henri III lança cette menace :
— Gardez-vous bien de revoir ma sœur et de penser à elle, car je vous tuerais !…
Et il confia à ses familiers que, si Henri de Guise s’avisait de rencontrer Marguerite en secret, « il se déclarerait renégat et mécréant s’il ne lui donnait de la dague dans le cœur de manière à lui faire mordre la terre ».
Pour éviter de si fâcheux incidents, il fallait trouver au plus tôt un mari pour Marguerite. La reine mère pensa alors au fils de feu Antoine de Bourbon, le jeune Henri de Navarre, que l’on n’avait pas encore surnommé le Vert-Galant, mais dont tout le monde connaissait le goût pour le déduit.
Jeanne d’Albret, mère de Henri, fut pressentie. C’était une protestante austère, pudibonde et soupçonneuse, qui méprisait les femmes fardées, portait des cols rigides et sentait un peu le rance. Elle s’inquiéta à la pensée que son fils pourrait être corrompu par les mœurs de la cour et fit dire à la reine mère qu’elle ne voulait pas de ce mariage.
Catherine devina la peur de Jeanne. Elle lui écrivit une lettre pleine de douceur et l’invita à venir passer quelques jours à Chenonceaux. Vous ne devez avoir aucune crainte, ajoutait-elle un peu maladroitement, car je vous aime et ne vous veux point de mal.
La reine de Navarre fut piquée. Elle répondit : Je ne sais pourquoy, Madame, vous me mandés que voulés avoir mes enfants et moy et que ce n’est pas pour nous faire mal ; pardonnés-moy si, lisant ces lettres, j’ay eu envie de rire ; car vous me voulés assurer d’une peur que je n’ay jamais eue, et ne pensay jamais, comme l’on dit, que vous mangissiés les petits enfants…
Voyant que les négociations étaient mal engagées, Catherine envoya MM. de Biron et de Quincey à Nérac avec mission d’arranger les choses. Après plusieurs semaines de pourparlers difficiles, Jeanne d’Albret accepta de venir à la cour de France pour y parler de l’avenir de « ces chers petits ».
Elle arriva à Chenonceaux le 12 février 1572 et Catherine l’accueillit avec de grands transports d’amitié. Mais les deux femmes étaient pareillement fourbes et les discussions ne tardèrent pas à prendre un tour déplaisant. Divisées sur le chapitre de la religion, elles se heurtaient sans cesse avec une méchanceté qui les rendait malades à tour de rôle. Naturellement Jeanne d’Albret était la plus sectaire. Elle entendait ne parler du mariage qu’après avoir converti tout le monde au protestantisme.
— Dans ce cas, répliquait Catherine, je veux que M. Calvin
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