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De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires

De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires

Titel: De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Flohic
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mes camarades de combat dans les Forces françaises libres où beaucoup avaient laissé leur vie, j’estimais qu’il n’était plus possible de les considérer comme colonisés sur leurs propres territoires.
    Sans aller jusqu’à admettre leur indépendance complète, j’étais acquis à leur émancipation progressive, jusqu’à la pleine possession de leur destin. J’étais donc entièrement d’accord avec la proclamation du Général, à Mostaganem, le 6 juin 1958 : il n’y aurait plus qu’un seul collège électoral en Algérie.
    Comme j’ignore tout des réalités algériennes, mon premier soin, en arrivant à l’Élysée, sera de les étudier. C’est auprès du colonel Renaudin, qui suit le dossier algérien au sein de l’état-major particulier, que j’obtiendrai les meilleures informations.
    Le plan de Constantine occupe alors la majeure partie du dossier. Si je me souviens bien, pour obtenir la pacification, il fallait maintenir six cent mille hommes durant quinze ans et déverser quelque six cents milliards de francs [1] sur la même période. Tout cela me paraît irréaliste dans l’état d’impécuniosité où se trouve la France, qui a par ailleurs besoin de ces six cent mille hommes pour son propre développement.
    Je pense que le Général a lancé ce plan pour gagner du temps, mais qu’il n’a aucune illusion sur sa possible réalisation.
    Au moment de remettre le dossier au colonel Renaudin, je lui fais part de mes sentiments et je vois aussitôt son visage se fermer : il me tient un long plaidoyer sur les moyens de l’armée pour assurer l’avenir de l’Algérie française.
    — Mais, lui dis-je, les moyens de l’armée sont ceux de la Nation à laquelle on ne peut imposer une volonté extérieure.
    — Bah, me répond-il, avec trois parachutistes, l’armée fait régner l’ordre à Paris.
    Je suis abasourdi par son propos que je juge totalement utopique.
    Peu de temps après, ma visite au général Jouhaud, chef d’état-major de l’armée de l’air, va encore renforcer ma perplexité, alors que je viens le voir simplement pour me faire connaître, puisque j’aurai, évidemment, à le côtoyer.
    Le général Jouhaud se lance dans un exposé sur la guerre psychologique révolutionnaire. J’ignore qu’il est pied-noir, natif d’Oran, ce qui expliquera son comportement ultérieur. La guerre psychologique révolutionnaire, j’en ai subi l’endoctrinement par le colonel Lacheroy, durant mon stage au cours supérieur interarmes à l’issue de l’École de guerre navale.
    Irrité par le propos de Jouhaud, je rétorque que la guerre psychologique ne date pas d’hier. Déjà, à l’âge de pierre, un clan qui avait épuisé les ressources en gibier de son territoire et qui voulait conquérir celui d’une tribu voisine pour l’exploiter cherchait à tromper, à abuser cette tribu, avant de l’attaquer.
    Petit à petit, à travers ces conversations, l’image d’une armée que je ne connais pas se précise. Une image qui explique son comportement dans les événements qui émaillent la marche vers l’indépendance de l’Algérie.
    De Gaulle ne m’a jamais interrogé, à Colombey ou ailleurs, sur mes sentiments à l’égard du problème algérien au sujet duquel je n’ai pas vraiment d’opinion, ignorant tout des réalités sur le terrain. En revanche, il recueille le point de vue du lieutenant-colonel Teisseire, mon camarade aviateur, qui vient de commander un escadron d’hélicoptères en Algérie. Teisseire ne lui cache pas que les Algériens iraient vers l’indépendance.
    J’ignore également l’opinion réelle des Français. Or j’accompagne, en doublure du colonel Bonneval, le Général durant son voyage dans les départements proches des Pyrénées, du 14 au 17 février 1959. Je me trouve dans le salon de la préfecture de Toulouse où sont réunis les maires de la Haute-Garonne. Leurs questions au Général sont directes :
    — Quand cesserons-nous d’envoyer nos fils en Algérie ?
    À quoi de Gaulle répond que la France a des responsabilités en Algérie, où elle poursuit une oeuvre humaine d’émancipation de longue haleine.
    Je dois dire que les questions des maires provoquent en moi un choc. Je n’imagine pas que l’opinion nationale est acquise au désengagement rapide, presque sans condition, du bourbier algérien. Peu de temps après ce voyage, le Général reçoit les principaux directeurs de journaux d’Algérie et

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