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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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Aba s’attendait à voir apparaître une entrée secrète, un souterrain qui conduirait par-dessous les murailles ; rien de cela ne se présenta.
    Il ne comprenait pas par où ce lourd équipage allait pénétrer l’enceinte.
    Soudain, une agitation débuta en haut des remparts. Le père Aba n’en crut pas ses yeux : deux puissants madriers de bois s’avancèrent dans les airs. Puis un large cube de bois s’ajusta le long de ces glissières avant de descendre à flanc de mur, l’ensemble tenu et manœuvré lentement à l’aide de quatre puissantes chaînes.
    Le père Aba connaissait ce procédé qui servait aux réfections des cathédrales pour hisser des éléments lourds et volumineux, mais c’était la première fois qu’il voyait ce mécanisme employé à lever hommes et chevaux dans une forteresse. Le monte-charge toucha le sol.
    Deux hommes sortirent du carrosse. L’un était gras et trahissait son grand âge par un pas difficile. Il était richement vêtu. L’autre l’épaulait.
    La portière de la cage de bois s’ouvrit ; trois hommes – un abbé et deux gardes – s’y trouvaient et invitèrent les deux arrivants à les rejoindre.
    — Bienvenue, Votre Grâce, dit l’abbé.
    Le monte-charge s’éleva dans les airs.
    Le père Aba était en selle auprès des huit autres hommes en noir. L’un d’eux ordonna que l’on dételle le carrosse. Aba prêta la main. Tout s’accomplissait dans le plus grand silence.
    Après cinq allers retours, le convoi entier fut hissé en haut du monastère. Aba comprit pourquoi le monte-charge était clos de planches de bois : il fallait empêcher les chevaux de céder à la panique, dans la pénombre ils ne s’apercevaient de rien.
    Toutefois, lorsque le prêtre de Cantimpré se retrouva soulevé dans les airs, il se dit que même s’il arrivait à entrer en vie dans le monastère, même s’il y retrouvait Perrot, il était bien incapable d’imaginer comment il pourrait s’en échapper…

C HAPITRE 0 8
    Ce jour-là, pour la première fois, les cinq enfants miraculeux se retrouvèrent dans le jardin d’un cloître, presque sans surveillance.
    Tous vivaient dans des chambres séparées, à un étage occupé par des soldats et dont on ne pouvait approcher sans autorisation. Chaque enfant demeurait en la compagnie constante de ses instructeurs. Ces derniers œuvraient sans relâche afin d’approfondir et de mesurer la portée de leurs différents dons. De nuit comme de jour, les cinq otages ne jouissaient d’aucune liberté.
    Mais l’abbé Profuturus décréta qu’ils devaient apprendre à se mieux connaître, et même se divertir comme des enfants de leur âge. On leur avait fourni des balles et des raquettes. Mais ils n’avaient pas le cœur à s’amuser.
    Les cinq enfants étaient assis sur le rebord en pierre d’une fontaine qui s’élevait au milieu du tapis d’herbe marronnasse du cloître. Ils portaient le même uniforme de lin écru, le même manteau garni de peaux et la même aumusse sur la tête. Il faisait très froid.
    Des gardes se tenaient à distance.
    C’était la première fois que les enfants se sentaient aussi libres de se parler.
    Agnès, la jeune fille au front marqué de stigmates, qui avait partagé un temps le périple de Perrot après son enlèvement à Castelginaux, montra à ses compagnons ses avant-bras bleuis par les piqûres d’un fin tuyau de plume de pigeon qu’on lui insérait sous la peau :
    — Ils me prélèvent du sang.
    Damien, le jeune garçon que le père Profuturus avait présenté comme sachant chasser les diables et les mauvais esprits, était originaire de Pamiers, dans l’Ariège. Il avait onze ans. Il était petit pour son âge, avait des cheveux d’un noir inquiétant, un nez fin et des lèvres presque inexistantes. Son « don » s’était révélé deux ans auparavant lors de la présentation à la foule de Pamiers d’une dizaine de possédés. Il avait suffi que ces malheureux croisent le regard de Damien pour que le démon qui les habitait abandonnât leur chair. Le phénomène fut confirmé quelques mois plus tard lorsque l’évêque résolut d’emmener Damien dans un asile de fous. Là encore, d’un simple regard, l’enfant chassa nombre d’esprits néfastes. L’évêché décréta alors son enfermement immédiat, en raison des rumeurs qui circulaient sur son compte et d’un début de vénération populaire. Damien, privé de ses parents, vivait sous bonne garde dans le

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