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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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Paris et vers l’Aragonais.
    Il y rencontra un muletier qui cheminait en direction de Carcassonne.
    — Je vais à Narbonne, lui dit Aba.
    — Montez ! Je vous déposerai à Rodés. Vous finirez six lieues à pied.
    De la sorte, Aba mit trois jours pour atteindre la cité.

C HAPITRE 08
    Bénédict Gui rentrait chez lui après son entrevue avec Tomaso di Fregi à l’hospice des pèlerins.
    À sa grande surprise, il découvrit qu’il était attendu. De loin, il repéra l’attelage de Maxime de Chênedollé qui encombrait la via delli Giudei devant sa boutique. Rien ne pouvait moins lui plaire que ce retour du riche marchand.
    Pour comble, les porteurs, le voyant absent, avaient forcé sa porte !
    Circonspect, Bénédict entra.
    Sur le seuil, il reconnut le valet.
    Il porta son regard vers la chaise devant l’écritoire mais n’y aperçut pas la silhouette de Chênedollé ; une femme était assise de dos. À la nuque raide, aux cheveux pris dans une coiffe étroite et pointue surmontée d’un voile, il devinait une aristocrate.
    Bénédict Gui s’assit face à elle, plus que jamais sur la défensive.
    — Je suis l’épouse de Maxime de Chênedollé.
    Elle devait avoir une soixantaine d’années. Des traits volontaires, une beauté figée par l’âge, des yeux bleus très pâles.
    — Mon mari est mort, dit-elle. Chênedollé a été retrouvé ce matin, sa dépouille coulée sous une dalle de ciment sur le chantier de notre nouvelle maison à Rome.
    Aucune inflexion dans la voix. Ni peine ni colère. Juste les narines et les lèvres pincées.
    La surprise passée, Bénédict imaginait facilement les événements après son passage : le marchand avait cru bon de provoquer un esclandre dans sa maison. Bénédict se dit que cette épouse, à la physionomie autoritaire, pouvait très bien, suivant les révélations du code du Vénitien, avoir séduit un contremaître et froidement résolu d’empoisonner son mari.
    À cause de l’esclandre qui les compromettait, ses complices et elle avaient sûrement précipité sa disparition.
    — Maintenant, ajouta-t-elle en relevant le menton, vous allez me dire, Bénédict Gui, ce que mon mari était venu vous confier.
    Bénédict hocha la tête. Ce furent ses tout premiers mots :
    — Votre époux est venu me présenter des documents de commerce qui le liaient à un fournisseur vénitien.
    — Je sais cela ! Je les ai consultés avant de venir.
    Bénédict regarda le valet : à l’évidence, ce dernier avait déjà rapporté dans le détail l’entretien avec Chênedollé.
    La veuve posa ses mains à plat sur les cuisses.
    — Le problème est que mon mari n’a jamais eu affaire avec qui que ce soit à Venise. Ce marchand n’existe même pas dans cette ville ! Je connais les entreprises de mon époux ; elles ne traitent nulle part d’importations orientales.
    Bénédict fronça les sourcils.
    — Que dites-vous ?
    Elle poursuivit :
    — Il vous aurait aussi prétendu avoir des maîtresses, posséder de nombreux enfants, écrire des poèmes ? Tout cela est également faux. Chênedollé était un homme réservé et fidèle, hélas sans héritier. Faire des rimes ? Il était incapable d’aligner deux vers correctement. Enfin, en dépit des documents chiffrés qu’il vous a présentés – et dont je ne m’explique pas le motif –, croyez bien que je n’avais aucune raison de vouloir empoisonner mon mari à la jusquiame et que je n’ai, de ma vie, nourri le moindre goût pour son contremaître Quentin !
    Sa voix s’était faite cinglante.
    Bénédict admit vouloir la croire sur parole, mais demanda :
    — Alors que reste-t-il de véridique dans la démarche de votre mari ?
    La femme hésita. Gui sentit qu’elle était agacée de devoir se lancer dans des confidences devant cet inconnu de peu.
    Elle expliqua, posément, fixant Gui :
    — Chênedollé était un marchand banquier très fortuné. À maintes reprises, il a avancé des sommes considérables à des seigneurs partisans de la cause du pape, ainsi qu’à la chancellerie du Latran. Mon mari n’a jamais eu à se plaindre de ses débiteurs. Jusqu’à ces derniers mois. Inquiet du temps que prenait l’élection du nouveau pape, Chênedollé a émis le vœu de faire valoir d’anciennes traites non recouvrées à la chancellerie. J’ignore quelle réponse lui a été faite, mais elle n’a pas été celle qu’il espérait : sa confiance en ses alliés de la curie s’est

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