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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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l’on emmagasinait les tonnelets d’huile.
    — Qui êtes-vous ? demanda le garçon lorsqu’ils se furent trouvés seuls.
    — Zapetta, la sœur de Rainerio, est venue me trouver, lui dit Bénédict. À ce que j’ai compris, tu es la seule personne qui puisse me renseigner un peu sur son frère.
    — Probable. Lui et moi avons grandi ensemble. Mais cela fait un certain temps que nous ne nous fréquentons plus. Il y a deux ou trois semaines, il est passé à l’hospice. Il venait s’entretenir avec notre principal. Nous avons échangé quelques mots. Je l’ai trouvé vieilli. Et l’air perdu.
    — Perdu ?
    Tomaso fit un signe positif du front :
    — Il m’a marmonné des choses difficiles à comprendre ; j’ai seulement saisi que la vie au palais du Latran était difficile en ce moment d’interrègne, voire dangereuse selon que l’on appartenait à tel ou tel camp. Ce n’était pas le Rainerio heureux et posé que j’avais connu.
    — Tu l’as questionné ?
    — Je n’en ai pas eu le temps ! Il a tout de suite filé.
    Un homme entra dans la réserve, se saisit d’un tonnelet et ressortit précipitamment, sans omettre d’ordonner à Tomaso de cesser de perdre du temps à palabrer.
    Le garçon reprit lorsqu’il fut de nouveau seul avec Gui :
    — Vous recherchez un homme qui a pris pour seconde nature de cacher sa vie. Je doute que vous puissiez le retrouver.
    Bénédict s’étonna :
    — Était-il secret à cause de sa fonction au Latran ?
    — Non, c’est plus ancien. Cela date du jour où son vieux fou de voisin s’est intéressé à lui.
    — Otto Cosmas ? Le Bohémien ?
    — Oui. Drôle de type. Il ne sortait jamais de sa maison, il parlait mal, jurait dans sa langue, ne fréquentait que les siens, pourtant Rainerio l’idolâtrait.
    — Zapetta m’a dit qu’il lui aurait appris à lire et à écrire.
    Le jeune homme haussa les épaules.
    — Nullement par bonté de cœur. Otto Cosmas perdait la vue, il était terrifié à l’idée de ne plus pouvoir écrire. Dès que Rainerio fut capable de tenir un stylet, il en fit son esclave. Rainerio voulait me le faire aimer, mais cela n’a pas pris. À mesure qu’il embrassait les secrets du vieillard, il ne voulait plus s’en ouvrir à personne.
    Bénédict fit signe qu’il comprenait : Otto Cosmas avait amené du froid entre les deux jeunes hommes. Du froid, ils étaient passés à la brouille lorsque Rainerio avait refusé d’en dire davantage sur son nouveau maître.
    — Nous ne nous sommes reparlé qu’à la mort du Bohémien, reprit Tomaso. Je savais que le vieux était malade ; j’ai essayé de renouer avec Rainerio, mais il était trop changé. Curieusement, il était « devenu » Otto Cosmas : il avait repris la rédaction de son manuscrit, mais aussi ses manies. Lui non plus ne sortait guère du cabinet de travail que Cosmas lui avait légué, il ne voyait personne, refusait tout. Homme comme enfant, Rainerio a toujours été un bon garçon, naît généreux mais impressionnable. Le vieux Cosmas l’avait farci de ses idées et de ses livres. Je le croyais heureux au Latran. Ça m’a étonné de le retrouver si hagard et inquiet.
    Bénédict se demanda si Zapetta lui avait volontairement caché l’état mélancolique de son frère ou si elle l’ignorait.
    — Avait-il d’autres amis que toi ?
    — Non. Les seules personnes qu’il fréquentait étaient des hommes de Bohême et de Moravie du cercle de Cosmas.
    Le jeune homme ouvrit la porte.
    — Je dois retourner travailler maintenant.
    Bénédict Gui n’était pas satisfait, il le suivit :
    — La disparition d’Otto Cosmas n’a-t-elle rien eu de douteux ?
    — Un crime ? Non, pas que je sache. Il avait des flux de ventre depuis longtemps. Il crachait du sang. C’est même un miracle qu’il ait vécu si vieux…
    Tomaso se remit à ses fourneaux. Il prit le temps de dire un dernier mot à Gui :
    — Alors qu’il me quittait, la dernière fois que nous nous sommes vus, je lui ai dit que j’espérais le revoir ; il m’a répliqué que la prochaine fois que j’entendrais parler de lui, je pourrais faire mon deuil de le revoir vivant.
    Tomaso hocha la tête.
    — D’une certaine manière, c’est peut-être vous, le messager…

C HAPITRE 07
    Le père Aba savait que, selon les pentes à descendre ou à gravir, il pouvait parcourir huit lieues par jour. Mais le froid, la neige et ses maux de tête le ralentirent. Il fit un

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