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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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jour même, il quittait Ostie. Blotti dans des voitures qui faisaient des relais autour de Rome, malgré les mauvaises conditions de l’hiver, il passa d’abord par Dominia puis fit une étape à Felico Compatti. À Traventino, son avancée fut interrompue pendant six heures à cause d’un rang d’arbres effondrés en plein chemin sous l’effet de la neige. À Varezzo, il monta dans la voiture d’un jeune aristocrate qui se rendait à Ancône puis à Venise, avant d’aller découvrir l’Orient. Le garçon était prolixe et verbeux comme on l’est à son âge lorsqu’on croit avoir lu tous les livres. Bénédict fut forcé de le corriger dans bien des domaines : il lui récita des passages entiers de commentateurs arabes d’Aristote, lui expliqua comment Ératosthène avait réussi, trois siècles avant Jésus, à mesurer la circonférence du disque de la Terre en s’aidant de l’ombre d’un bâton et de celle d’une pyramide. Il lui parla avec passion de ses maîtres de lecture, dont la grandeur l’emportait selon lui sur tous les autres : Robert Grosseteste, Hugues de Saint-Victor et, surtout, ce Roger Bacon qui professait à Oxford que les mathématiques étaient le socle de toutes les sciences et qu’elles nous conduiraient un jour à la vraie compréhension de Dieu et de l’univers.
    — Certains prétendent que c’est offenser le Créateur que de vouloir comprendre l’ordonnance de sa Nature. Je veux croire, moi, que le jour où l’homme aura touché aux mystères du monde par ses propres biais, Dieu ne sera pas fâché du long chemin parcouru par ses enfants, dit Bénédict.
    — Mais la prière est suffisante pour atteindre Dieu ! s’indigna le jeune noble.
    — En effet. Cependant la prière n’explique pas pourquoi le gland se fait chêne, ni pourquoi l’aube succède à la nuit sans jamais faillir.
    La seule chose qui retînt réellement l’attention du jeune aristocrate était qu’il fallait toujours se défier des apparences et que des marchands d’Ostie pouvaient être aussi instruits que des maîtres d’université et détenir une mémoire phénoménale !
    Les deux hommes se séparèrent à l’entrée de la bourgade de Seronomia. Bénédict y gîta seul dans une auberge déserte où il dévora un plat de châtaignes grillées et du pain noir. Il dormit sur un lit sans custode dans une chambre basse qui pouvait accueillir jusqu’à dix hôtes. Ses vêtements de riche marchand faisaient invariablement grimper son dû, mais il n’en avait cure.
    Le lendemain, il arriva à Spalatro, petit village dont lui avait parlé, quelques jours auparavant, sa domestique Viola.
    Il se rendit au cimetière, erra entre les tombes cariées jusqu’à ce qu’il découvrît une double sépulture dominée par une statue de sainte Monique.
    C’était le tombeau du père Evermacher, ancien prêtre de Cantimpré.
    Pendant la nuit qui avait précédé son arrestation à Rome, après les nombreuses révélations de Marteen sur Rainerio, Bénédict s’était intéressé à ce village de Cantimpré qui occupait le cardinal Rasmussen et son assistant depuis quelque temps. Il possédait dans sa boutique des copies de rapports faisant état des miracles prétendus de ce village du Quercy. Ce fut là qu’il découvrit que l’ancien curé Evermacher avait été enseveli à Spalatro.
    Bénédict cherchait depuis quelque temps un prétexte pour « fumer le renard ».
    Il était tout trouvé.

C HAPITRE 14
    Até conduisit Perrot dans une riche abbaye cistercienne. Vaste, aux murs blancs, aux espaces inondés de lumière, l’édifice époustoufla l’enfant.
    Depuis l’incident du campement en forêt, il ne quittait plus la femme aux cheveux roux. Les hommes en noir qui les escortaient avaient tous disparu, la jeune fille du village en flammes aussi, et il voyageait à présent dans un attelage luxueux, bien capoté et aux sièges matelassés. Até avait délaissé ses habits de mercenaire et ne revêtait plus que ses plus beaux atours, des robes amples et retroussées en plis, des corsages à encolures rondes, des coiffes de soie, des gantelets aux poignets brodés de perles.
    À chaque étape, ils s’arrêtaient dans des châteaux ou des monastères importants. Perrot s’entendit une fois présenter comme le propre fils d’Até de Brayac. Cette dernière, portée par sa prestigieuse filiation, était partout reçue avec beaucoup d’égards.
    Ce soir, le garçon se trouvait dans une

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