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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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résine crépita, inondant la chapelle de lumière. Il découvrit au fond de l’abside un ostensoir qui scintillait.
    Il s’agenouilla et se mit en position de prière.
    Cela ne lui arrivait jamais.
    Fauvel de Bazan avait eu raison de souligner son peu d’assiduité au culte. Bénédict Gui avait passé sa jeunesse en compagnie d’une bande de goliards, ces clercs itinérants lettrés, sans attaches, rimeurs, musiciens, dévergondés, gros brasseurs d’idées nouvelles. De leur fréquentation il avait conservé une certaine méfiance à l’égard des dogmes et connaissait trop bien les contradictions des textes sacrés pour supporter les discours prosaïques des prêtres. Il fuyait les messes, qu’il assimilait à des rites cannibales. L’homme qu’il était, principalement depuis la disparition de sa femme, trouvait plus de réconfort dans Cicéron et Sénèque que dans la culpabilité pesante des Pères de l’Église.
    Néanmoins, ce matin, l’isolement, le silence ou la fatigue aidant, un psaume appris dans l’enfance lui revint à l’esprit :
    Si tu retiens les fautes, Yahvé,
    Seigneur ; alors qui subsistera ?
    Si tu retiens les fautes, Yahvé,
    Seigneur ; alors qui subsistera ?…
    Il sentit, dans le réduit de son âme, que le silence qui lui répondait aujourd’hui était le même qui répondait autrefois aux bergers de Judée sous le règne du roi David…
    Le diacre de Cardonna entra peu après dans la chapelle. Il avait le même âge que Bénédict, grand et maigre, portant une bure rapiécée sous un vieux manteau. Il tenait dans les mains une petite jarre d’huile destinée à regarnir les entonnoirs des lampes de l’autel.
    Il sursauta à la vue de l’étranger.
    Bénédict se redressa.
    Le diacre se hâta de protester :
    — Je m’en voudrais d’interrompre votre intimité avec le Ciel, mon fils.
    Gui sourit :
    — Nous nous sommes tout dit.
    Il se présenta sous son nom d’emprunt de Pietro Mandez et réitéra l’histoire du marchand miraculé à Cantimpré venu à Spalatro se recueillir sur le caveau d’Evermacher.
    — Je suis allé visiter la tombe du prêtre, dit-il. Je souhaiterais faire célébrer une messe en son nom et participer à l’élévation d’un monument digne du miracle dont il m’a gratifié.
    Bénédict sortit le dernier ducat d’or de Maxime de Chênedollé qui lui restait et le présenta au diacre, affichant son intention de prodiguer de nombreux dons à Spalatro.
    Le diacre s’ébahit en voyant cette petite fortune lui tomber dans la main.
    — Je dois en faire part à notre évêque ! dit-il. Il sera touché de votre belle charité, mon fils.
    — Je ne fais que mon devoir de chrétien. Cependant…
    — Oui ?
    — Cependant je m’étonne qu’Evermacher soit enseveli avec si peu d’égards.
    Le diacre écarquilla les yeux.
    — Je m’attendais à le trouver au sein de cette chapelle, à l’ombre du Christ dans un sarcophage ouvragé !
    Ce trait piqua le diacre au vif.
    — Que dites-vous là ? Evermacher et sa mère profitent de la plus belle sépulture de notre cimetière !
    Cependant Bénédict considéra que ce n’était pas suffisant :
    — N’est-il pas le faiseur de miracles de Cantimpré ? fit-il remarquer.
    Le diacre prit un air embarrassé :
    — Mon fils, voilà des années que les fidèles de Spalatro espèrent de lui un signe, un prodige ; mais son âme reste sourde à leurs prières. Ce qu’il a daigné accomplir à Cantimpré, il le refuse ici. Des doctes férus de sainteté sont venus l’étudier, rien n’y a fait. La population est amère et il ne viendrait à personne l’idée de fleurir sa tombe. Vous pouvez la couvrir d’or, elle ne fera point de lui le saint qu’on attendait. Les fidèles ont perdu foi en Evermacher.
    Bénédict répliqua d’un ton net :
    — Je veux croire qu’ils se trompent. Cantimpré n’est-il pas une réalité ? N’en suis-je pas la preuve vivante ? L’âme d’Evermacher n’est-elle pas en droit de se sentir blessée par le traitement infligé à sa dépouille ? Et, de ce fait, de vouloir demeurer silencieuse ?
    Bénédict entraîna le diacre dans le cimetière afin de lui faire part de ses idées d’embellissement qui pourraient contenter l’âme offusquée d’Evermacher.
    — Si sa sépulture était davantage mise en valeur, il aurait plus à cœur de se manifester ! arguait-il.
    Ce que parlant, il approcha sa torche de la statue de Monique.
    Sous

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