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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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l’effet de la chaleur, le mercure instillé sous ses paupières se dilata et coula sur les joues de la sainte en emportant avec lui le rouge du vermillon huileux.
    Sainte Monique pleurait des larmes de sang !
    Le diacre, qui le vit le premier, se signa, sidéré, puis pointa du doigt la statue afin que Bénédict la remarquât à son tour.
    — Jésus Marie !… s’écria Gui, et il tomba à genoux.
    Le religieux fut moins dévot : il déguerpit en vociférant comme un dément.
    Il appelait les fidèles à lui, heurtant les portes, hurlant par les fenêtres. Il retourna dans la chapelle et se mit à carillonner de toutes ses forces.
    L’ensemble du village se retrouva au cimetière devant la tombe d’Evermacher et la statue miraculeuse. Le diacre expliqua ce qui venait d’arriver. La foule s’agenouilla et l’on célébra une messe glorieuse !
    Bénédict observait les habitants s’exclamer qu’ils s’attendaient à ce miracle, qu’ils n’avaient jamais perdu foi dans le bon prêtre de Cantimpré. Démétrios lui-même, hier si critique à l’égard d’Evermacher, prétendait qu’il était resté son plus zélé défenseur !
    L’enthousiasme, se gonflant de lui-même, faisait feu de tout bois :
    Une vieillarde affirmait qu’elle n’avait plus mal au dos.
    — Miracle !
    Le ciel s’éclaircissait et un rayon du soleil levant atteignait Spalatro.
    — Miracle !
    Sous la neige qui recouvrait la tombe d’Evermacher, on découvrait un maigre brin d’herbe verte.
    — Miracle !
    Certains prétendaient lire des messages sur le tracé des larmes rougeâtres qui restait imprimé sous les yeux de la statue blanche.
    — Miracle !
    La ferveur populaire, aidée en cela par le diacre exalté, ne mit pas longtemps à expliquer ce prodige : l’âme d’Evermacher avait attendu toutes ces années la venue d’un pèlerin miraculé de Cantimpré comme Pietro Mandez pour enfin se manifester ! Et si sainte Monique pleurait, c’était que les fidèles avaient trop longtemps négligé sa tombe !…
    Bénédict Gui suivait cela en tâchant de dissimuler sa consternation. Il se dit que s’il n’était pas le témoin d’un véritable miracle, au moins assistait-il à une surprenante illusion de masse, une folie dont la réalité était de plus en plus assise à mesure que les paroissiens la commentaient.
    Le diacre résolut d’alerter son supérieur au village voisin de Cardonna.
    — Une ère nouvelle se lève pour Spalatro !
    Le moindre de ses mots était salué par les vivats de la foule.
    Bénédict se proposa de l’accompagner.
    Le vieux père Viviani reçut les deux hommes dans son presbytère de Cardonna.
    Le récit que lui fit le diacre était éloquent. Deux heures après le miracle, il en rajoutait déjà sur les phénomènes observés.
    — Il faut plaider la cause d’Evermacher auprès des autorités de l’Église ! s’exclama l’évêque. Requérir une commission d’enquête sur le prodige et solliciter du pape une bulle d’ouverture de procès de canonisation !
    Il imaginait les nombreux bénéfices qu’il pourrait tirer d’une statue de sainte pleurant des larmes de sang. Tous les fidèles de la région viendraient dans son petit diocèse observer le miracle et faire des dons.
    — Avec votre autorisation, proposa Bénédict, laissez-moi me faire le postulateur du cas d’Evermacher en votre nom. Je serai un requérant riche qui saura donner tout le lustre nécessaire à notre supplique. De surcroît, je suis l’humble cause qui a provoqué ce matin la manifestation du prêtre de Cantimpré. Miraculé, j’aurai des arguments pour défendre Spalatro. N’est-ce pas la providence qui m’a conduit sur les pas d’Evermacher ?
    Le diacre présenta le ducat d’or offert par Bénédict. Le père Viviani le fit aussitôt disparaître dans sa ceinture et accepta la proposition de Gui qui le délivrait des coûts inhérents aux premières démarches administratives.
    — Quelles sont les procédures qu’il sied de respecter ? demanda Bénédict.
    En réalité, comme il l’avait dit au père Cecchilleli, il avait déjà assisté à des procès publics, il savait que pour porter la cause d’un miracle, il fallait réunir les soutiens écrits du prêtre de la paroisse et de l’évêque du diocèse, ainsi qu’un récit circonstancié de la merveille par plus de huit témoins oculaires.
    Après avoir vu la statue, le père Viviani rédigea la lettre de véracité

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