Dernier acte à Palmyre
nous mîmes alors en devoir de regrimper nous aussi la rude côte qui conduisait de la berge pittoresque à la cité fièrement dressée sur son sommet. Ce n’était pas facile, et par association d’idées, nous repensâmes tous les deux à l’escalade qui nous avait conduits à la Haute Place de Pétra.
Un peu pour avoir le temps de reprendre mon souffle, mais aussi par intérêt, je m’arrêtai pour examiner le système d’adduction d’eau de la ville. Un aqueduc apportait l’eau potable d’une source qui jaillissait à dix milles de là, à l’est de la ville. Elle coulait ensuite à travers un impressionnant réseau souterrain. Une des plaques fermant les énormes vannes avait été enlevée par un ouvrier chargé du nettoyage, et j’étais penché au-dessus du trou béant quand une voix me fit sursauter :
— Ça ferait une sacrée chute, Falco !
C’était Tranio.
Helena m’avait agrippé par le bras, mais son intervention n’était probablement pas nécessaire. Le clown éclata d’un rire joyeux.
— Sois prudent ! me conseilla-t-il avant de dévaler vers la rivière à son tour.
Mon regard pensif croisa celui d’Helena. Si quelqu’un tombait dans cette vanne de la taille d’un tunnel, et qu’on remette la plaque en condamnant l’entrée, personne ne pourrait entendre ses cris. Dans l’hypothèse où la chute n’aurait pas été fatale. Et c’est seulement quand son corps se serait complètement décomposé et que les habitants de la ville commenceraient à trouver un goût étrange à l’eau qu’on s’apercevrait de sa présence…
Amoureusement enlacé à Helena, je repris la direction de notre campement.
Nous trouvâmes la troupe en pleine effervescence parce que Chremes et Grumio n’étaient pas rentrés. Davos avait envoyé Congrio parcourir la ville avec sa discrétion habituelle, pour apprendre ce qu’ils étaient devenus. Et il arriva tout essoufflé très peu de temps après nous en criant de loin :
— Ils sont enfermés.
— Enfermés ? Et pourquoi ?
— Quand ils se sont retrouvés devant le magistrat, il a reconnu Grumio. Il était à Gerasa, et il l’a entendu se moquer des habitants de Gadara quand il a fait son numéro sur un tonneau…
Je n’avais pas oublié que Grumio avait provoqué les rires des spectateurs en ridiculisant ceux de toutes les autres villes de la Décapole. Et, repensant à la pitrerie récente d’Helena, je fus soulagé qu’il ne se soit pas moqué des attributs sexuels des magistrats. Il n’avait sans doute jamais eu l’occasion de lire le rouleau de plaisanteries vulgaires devenu le livre de chevet de ma charmante compagne.
— Maintenant on va tous être jetés en prison pour diffamation, gémit encore l’afficheur.
J’avais envie de dîner, et cette histoire m’ennuyait énormément.
— Si Grumio a dit que les habitants de Gadara étaient impétueux, susceptibles et n’avaient aucun sens de l’humour, où est la diffamation ? Ils viennent d’en donner la preuve. De toute façon, ce qu’il a dit d’eux n’est rien à côté de ce qu’il a pu raconter sur Abila et Dium.
— Moi, je répète simplement ce qu’on m’a dit, Falco !
— Un petit moment. Je réfléchis à ce qu’on va pouvoir faire.
— Un scandale, suggéra immédiatement Davos. On va les menacer de se plaindre auprès de notre empereur, à cause de la manière outrageante dont ils ont accueilli d’innocents visiteurs. Et après, on ira assommer le gardien de la prison avec un bon gourdin. Ensuite on disparaîtra le plus vite possible.
Davos était tout à fait le genre d’homme avec lequel j’aurais pu travailler. Il savait analyser rapidement une situation et trouver des moyens d’intervention aussi simples qu’efficaces.
Nous partîmes à la rescousse des prisonniers, tous les deux vêtus en hommes d’affaires respectables. Nos bottes étaient soigneusement cirées, et nous avions pris deux toges dans une malle de costumes. Davos s’était en outre muni d’une couronne de laurier, pour ajouter une touche finale que je trouvais personnellement un peu exagérée.
Nous nous présentâmes à la maison du magistrat, où nous apprîmes qu’il était absent. Il assistait justement à une représentation théâtrale. Nous nous rendîmes donc au théâtre et attendîmes le prochain entracte dans un coin de l’orchestre. Il s’agissait d’une très mauvaise histoire de satyre. Davos murmura :
— Ils pourraient au moins accorder
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