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Dernier acte à Palmyre

Dernier acte à Palmyre

Titel: Dernier acte à Palmyre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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aussi avait soudain l’air plus vieux. Son beau visage, qui se creusait de sillons profonds, montrait des signes d’affaissement précoce, et une panse due à l’alcool ondulait au-dessus de sa ceinture. Phrygia maniait à grand bruit des ustensiles de cuisine à l’intérieur de la tente.
    — Alors, quel est ce mystère, jeune Marcus ?
    — Rien de spécial. Je voulais simplement te consulter une fois encore au sujet de mon enquête.
    — Tu ferais aussi bien de consulter un des chameaux ! cria Phrygia.
    — Je t’écoute ! clama le directeur d’une voix de stentor, comme s’il n’avait pas entendu sa chère épouse.
    Peut-être qu’après vingt ans de mariage chaotique, ses oreilles étaient réellement devenues sélectives.
    — Eh bien, je suis parvenu à réduire ma liste de suspects, mais je n’ai toujours pas la preuve formelle qui me permettrait d’épingler ce salopard. La joueuse de tambourin avait une telle quantité d’amis masculins qu’il est impossible de s’y retrouver.
    Sans le montrer, j’étudiais attentivement les réactions de Chremes. Il ne donna pas l’impression de croire que je l’incluais dans ces amis masculins. Ce qui n’était pas le cas de Phrygia. Elle jaillit de la tente pour ne rien perdre de notre conversation et y participer au besoin. En un tour de main, elle avait réussi à se transformer en la plus gracieuse des hôtesses : une grande écharpe vaporeuse, probablement en soie, lui drapait magnifiquement les épaules, d’énormes boucles d’oreilles d’argent lui pendaient presque jusqu’aux épaules, et elle s’était repeinturluré le visage. Elle se montrait aussi plus attentive, et nous présenta la nourriture avec des gestes élégants.
    J’avais eu tort d’éprouver des craintes : le repas fut impressionnant. De grands plateaux de mets orientaux délicats décorés d’olives et de dattes, du pain chaud, des viandes épicées, de petits bols de sauces diverses, du poisson du lac de Tibériade… Phrygia nous servait d’une façon désinvolte. Elle semblait la première surprise d’avoir réussi à concocter un tel festin en aussi peu de temps. Mes hôtes se conduisaient comme si la nourriture ne jouait pas un très grand rôle dans leur vie, mais force était de constater qu’ils se soignaient très bien.
    Ils possédaient un superbe service de table de voyage en céramique, des gobelets de métal épais et des couverts de bronze. C’était un peu comme souper avec une famille de sculpteurs, des gens qui savaient apprécier les formes et la qualité… et qui pouvaient se les offrir.
    Sans être abandonnée – très probablement –, la dispute conjugale était du moins différée.
    — Cette fille savait ce qu’elle faisait, dit Phrygia en parlant d’Ione.
    Ce n’était pas une condamnation, le ton n’était même pas amer – mais je n’étais pas du tout d’accord avec elle.
    — Elle ne pouvait pas savoir que ça allait lui coûter la vie.
    Faisant appel à mes bonnes manières, car l’ambiance était plus affectée que celle à laquelle j’étais habitué, j’empilais autant de bons morceaux dans mon bol que je pouvais me le permettre sans risquer de passer pour un glouton.
    — Elle aimait trop la vie pour avoir envie d’y renoncer. Mais elle ne s’est pas défendue. Elle ne s’attendait pas à ce qui lui est arrivé dans ce bassin.
    — Il fallait qu’elle soit idiote pour être allée là-bas ! s’exclama Chremes. Je n’arrive pas à comprendre où elle voulait en venir. Elle pensait que l’homme qu’elle allait rencontrer avait tué Heliodorus, alors pourquoi prendre ce risque ?
    Phrygia nous fit part de ce qu’elle pensait.
    — Elle était jeune. Elle s’est dit que ceux qui haïssaient Heliodorus n’avaient pas les mêmes raisons de la haïr, elle. Elle n’a pas su comprendre qu’un meurtrier est illogique et imprévisible. Sers-toi, Marcus (nous étions apparemment devenus des familiers), ne te prive surtout pas.
    — Alors quelle était son intention, d’après toi ? demandai-je en trempant mon pain plat dans le miel. Elle voulait lui dire qu’elle avait réussi à l’identifier ?
    — J’en suis persuadée, acquiesça-t-elle. (Je comprenais qu’elle avait étudié le problème à fond. Elle tenait sans doute à s’assurer que son mari n’était pas impliqué.) Elle était attirée par le danger. Mais la pauvre idiote n’a pas compris que cet homme la considérerait comme une sérieuse menace pour

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