Dernier acte à Palmyre
s’arrêter en se retirant sous sa tente. Hier soir, il a passé un certain temps à essayer de faire parler les amies d’Ione.
Musa inclina légèrement la tête.
— J’ai appris quelque chose, dit-il du ton de quelqu’un qui n’avait pas envie de révéler sa source.
Voilà pourquoi je m’empressai de demander joyeusement :
— Au cours de la nuit que tu as passée à réconforter Byrria ?
Helena me jeta un coussin à la tête.
— La fille qui jouait du tambourin, reprit Musa patiemment, comme s’il était peu disposé à donner un nom au corps qu’il avait contemplé nu, avait probablement des rapports avec Chremes, le directeur, et avec Philocrates, le beau gosse.
— Ça ne me surprend pas du tout, déclarai-je. Chremes exerçait sans doute un droit de cuissage, sous prétexte qu’il lui donnait du travail… Et Philocrates pensait qu’il était de son devoir de faire profiter toutes les filles de l’orchestre de ses charmes.
— On m’a dit que Davos aussi l’aimait bien.
— C’était une fille très sympathique, dit Helena, avec une trace de reproche dans la voix.
— C’est vrai, acquiesça Musa d’un ton grave.
Il savait affronter les reproches. Quelqu’un, quelque part, lui avait appris à se soumettre. Je me demandai tout d’un coup si la sœur chez laquelle il habitait à Pétra ressemblait à l’une des miennes. Après une brève hésitation, il ajouta :
— On m’a aussi laissé entendre qu’Ione était très amie avec les clowns qu’elle rencontrait régulièrement.
Je croisai le regard d’Helena. Nous avions deviné tous les deux que c’était Byrria qui lui avait fait ces suggestions. Et il s’agissait de quelqu’un en qui on pouvait avoir confiance. J’étais certain qu’elle était très observatrice. Si, personnellement, elle refusait tout contact avec les hommes, rien ne l’empêchait de scruter avec curiosité la conduite des autres femmes de la troupe. Peut-être même lui racontaient-elles leurs petites histoires. J’en doutais cependant. Elles devaient éviter de se confier à une jeune femme qu’elles prenaient certainement pour une pimbêche moralisatrice.
— C’est fort possible, déclarai-je pensivement. Les jumeaux se trouvaient tous les deux à Pétra. Tous les deux figurent déjà sur ma liste de suspects en ce qui concerne le meurtre d’Heliodorus. Mais étant donné que Grumio est resté perché toute la soirée sur son tonneau, à faire hurler de rire les habitants de Gerasa en se moquant de leurs voisins, je pense que nous pouvons rayer son nom de cette liste.
— Oh non ! (Helena paraissait pleine de regrets.) Alors ce serait Tranio le coupable ?
Comme moi, elle avait beaucoup apprécié ses traits d’esprit.
— Oui, on dirait, convins-je.
Mais je doute toujours des solutions qui apparaissent trop évidentes.
Je me passai d’un petit déjeuner dont je n’avais nulle envie, préférant aller me balader parmi les membres de la troupe pour humer l’atmosphère. J’éliminai tout d’abord ceux qui n’avaient pratiquement aucune chance d’être impliqués dans ces deux drames successifs. Je ne tardai pas à établir que Chremes et Phrygia avaient dîné en compagnie de leur vieil ami Davos. Puis Philocrates les avait rejoints, et était resté une grande partie de la soirée avec eux — je n’avais pas compris si Chremes avait invité l’arrogant personnage ou s’il s’était invité tout seul. D’ailleurs, je me souvenais parfaitement avoir vu le petit groupe installé devant la tente du directeur, ce qui confirmait leurs alibis.
Philocrates fut fier de mentionner qu’il avait eu un rendez-vous ultérieur avec une marchande de fromages qui n’avait pas fait sa mijaurée.
— Elle s’appelle comment ?
— Aucune idée.
— Tu sais où la trouver ?
— Demande à un mouton.
Du moins put-il me montrer deux fromages de brebis, dont l’un déjà à moitié mangé, que j’acceptai momentanément comme preuves de sa bonne foi.
J’étais prêt à interroger Tranio, et je le vis justement sortir de la tente d’Afrania, la joueuse de flûte. Il s’attendait visiblement à mes questions et adopta une attitude plutôt fanfaronne. Il ressortit de ses déclarations qu’il avait passé la soirée à boire et à faire d’autres choses également plaisantes avec Afrania. Il l’appela et, comme il fallait s’y attendre, elle confirma ses dires.
Elle avait franchement l’air de mentir, mais elle ne voulut pas en
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