Dernier acte à Palmyre

pommes ou en toisons d’or, et en gloire.
    Je m’inquiétais pour Byrria. Elle n’avait pratiquement pas dit un mot depuis que nous l’avions découverte agenouillée près du corps sans vie d’Ione. En dépit de sa bravoure coutumière, elle paraissait maintenant glacée et horrifiée. Le choc subi l’avait manifestement secouée. Musa s’offrit pour l’escorter jusqu’à sa tente, et je lui conseillai de demander à une des femmes de la troupe de rester avec elle cette nuit-là.
    Je n’étais tout de même pas nul au point d’ignorer que je devais faire quelque chose de toute urgence. Aussi, après avoir accompagné moi-même Helena dans nos propres quartiers, je partis à la recherche des filles de l’orchestre pour tenter d’apprendre le nom de l’amant funeste d’Ione. Malheureusement, je perdis mon temps. Guidé par leurs voix, je trouvai rapidement Afrania en compagnie de deux ou trois danseuses… en train de se réjouir de ne pas se trouver à la place de la pauvre Ione. Et elles se mirent à hurler pour manifester une feinte terreur, quand moi, Falco, un homme peut-être dangereux, je fis mine de vouloir leur parler.
    Je leur indiquai une méthode très connue employée avec succès contre les crises d’hystérie, et les menaçai également de fessées si elles ne se taisaient pas immédiatement. J’obtins une réaction immédiate : une joueuse de flûte de Pan se leva d’un bond en me menaçant de m’éventrer avec l’essieu d’une carriole.
    Je me retirai de mon plein gré.
     
    De retour à ma tente, je dus affronter une autre crise : Musa n’était toujours pas rentré. Je repartis faire un petit tour, mais à part le tapage des filles de l’orchestre – qui commençaient elles-mêmes à se calmer –, le reste du camp était tout à fait silencieux. Une lumière brillait faiblement dans la tente de Byrria, mais elle était parfaitement close de tous côtés. Ni Helena ni moi ne pouvions envisager que Musa ait réussi à nouer des relations intimes avec la comédienne, mais nous ne voulions pas non plus risquer de les interrompre si c’était le cas. Résultat, nous ne parvînmes pas à fermer l’œil de la nuit.
    — C’est un homme, murmurai-je, pas un enfant.
    — C’est bien ça qui m’effraie ! rétorqua Helena.
    Il ne revint pas avant le lendemain matin. Il arborait son air habituel et ne daigna nous fournir aucune explication.
    — Eh bien ! éructai-je, quand Helena sortit de la tente pour aller surveiller le feu et que nous pûmes enfin parler d’homme à homme. Tu n’as pas pu trouver une femme pour passer la nuit avec Byrria, c’est ça ?
    — C’est ça.
    — Alors tu as été obligé de te dévouer, hein ?
    Cette fois-ci, il ne fit même pas mine de vouloir répondre à la pique que je lui lançais. Il n’avait aucune intention de se confier à moi. Mais s’il croyait s’en tirer à si bon compte, il se trompait.
    — Par Jupiter ! Tu n’as vraiment pas l’air d’un type qui vient de passer sa nuit à consoler une si jolie femme.
    — Il devrait ressembler à quoi, ce type ?
    — Il serait complètement épuisé, mon mignon ! Non, je te taquine. Je suppose que si tu lui avais posé la question de confiance, la chaste Byrria t’aurait jeté dehors dans la nuit.
    — Très probablement. Alors, mieux valait ne pas la poser.
    Sa réponse pouvait s’interpréter de deux façons. Une femme que les hommes ne laissaient jamais en paix avait pu être intriguée par le détachement affiché par Musa.
    — Dois-je deviner que ton attitude distante a tellement impressionné Byrria que c’est elle qui t’a demandé la chose ? Ça m’a l’air d’un bon plan.
    — Oh oui ! acquiesça Musa en souriant. C’est un bon plan, Falco.
    Oui, mais seulement en théorie, apparemment.
    — Excuse-moi, Musa, mais tu ne sembles pas bien organisé. Normalement, un homme aurait séduit la beauté, puis se serait fait jeter dans un bassin par un rival jaloux. Toi, tu as commencé par le plus pénible !
    — C’est l’expert en femmes qui parle, n’est-ce pas, Marcus Didius ? Ne sous-estime donc pas notre invité.
    Je crus voir un pâle sourire éclairer brièvement le visage du Nabatéen, mais il s’éteignit aussi rapidement qu’il était né.
    Helena Justina, qui avait toujours été fort habile dans l’art de changer le sujet de la conversation, tenta alors de rasséréner adroitement Musa.
    — Ton hôte est tellement concentré sur son enquête qu’il ne sait pas