Dernier acte à Palmyre

que quand je t’ai interrogée pour la première fois, j’ai eu la nette impression que tu t’exprimais bizarrement.
    Avec des filles comme Afrania, j’aime assez jouer à l’homme du monde. Et elle devait comprendre que j’avais perçu la tension qui régnait entre elle et Tranio quand nous nous étions entretenus tous les trois.
    — Ça n’avait rien à voir avec moi, m’assura-t-elle avec beaucoup de suffisance en rejetant ses boucles brunes en arrière d’un mouvement de tête.
    Mouvement qui affecta également sa poitrine qu’un tissu léger avait du mal à dissimuler.
    — Je ne demande qu’à te croire.
    — C’est à cause de cet idiot de Tranio.
    Je ne fis aucun commentaire. Nous approchions du campement et je savais que je n’aurais pas de sitôt l’occasion de persuader Afrania de se confier de nouveau à moi. Surtout si j’attendais d’avoir à la protéger des hommages masculins. En temps normal, elle les acceptait tous sans rechigner.
    — Je ne demande qu’à te croire, répétai-je d’un ton sceptique. S’il se trouvait effectivement avec toi, ça le disculpe du meurtre d’Ione. Je suppose que tu ne mentirais pas à ce sujet. Après tout, elle était censée être ton amie.
    En réalité, je n’ignorais pas qu’il avait existé une certaine rivalité entre elles. Ce qu’elle dit, cependant, ne laissa de me surprendre :
    — Tranio était vraiment avec moi, mais il m’a demandé de le nier.
    — Par Jupiter ! Et pourquoi donc ?
    Elle eut le bon goût de paraître embarrassée.
    — Il m’a dit qu’il voulait s’amuser. Pour embrouiller ton enquête.
    Je laissai échapper un rire plein d’amertume.
    — Il en faut moins que ça pour m’embrouiller, admis-je. Je ne comprends vraiment pas à quoi Tranio veut jouer. Pourquoi cherche-t-il à faire croire qu’il a eu l’occasion de commettre ce crime ? Et pourquoi accepterais-tu d’entrer dans son jeu ?
    — Tranio n’a pas tué Ione, affirma-t-elle, sûre d’elle. Mais je suis incapable de te dire à quoi cet idiot cherche à jouer. J’en ai pas la moindre idée.
    Cette idée de blague me paraissait tout à fait tirée par les cheveux. J’étais persuadé que Tranio avait improvisé cette réplique pour Afrania. Mais j’étais bien en peine de trouver une autre raison qui l’aurait poussé à lui demander de mentir. La seule vague possibilité, c’était qu’il ait voulu égarer les soupçons pour protéger quelqu’un d’autre… Mais pour accepter de protéger quelqu’un en risquant d’être accusé à tort d’un meurtre, il fallait avoir une énorme dette envers lui.
    — Est-ce que l’un de vous a rendu un grand service à Tranio, récemment ?
    — Je ne vois que moi ! plaisanta Afrania. En couchant avec lui, je veux dire.
    Après avoir souri à sa plaisanterie, je changeai de tactique.
    — Sais-tu à qui Ione avait donné rendez-vous au bassin sacré ?
    Afrania hocha la tête.
    — Non. D’ailleurs, si on se disputait parfois, c’est parce qu’elle essayait d’attirer Tranio.
    Voilà qui était bien combiné. Elle désignait Tranio comme étant l’amant possible de la morte, mais après lui avoir fourni un solide alibi.
    — Oui, mais ce soir-là il n’a pas pu la rejoindre ! conclus-je d’un ton sec. Parce qu’il était occupé à faire des prouesses acrobatiques avec toi pendant toute la soirée.
    — Exact ! Alors il faut que tu cherches ailleurs, Falco. De toute façon, Ione a couché avec toute la troupe !
    Évidemment, voilà un renseignement qui ne m’aidait pas beaucoup à cibler son meurtrier.
    Quand nos chariots furent en vue, Afrania n’eut plus du tout envie de me parler. Je ne pus que la laisser partir de son côté, en me demandant si je ne devrais pas avoir une autre conversation avec Tranio. Après réflexion, je décidai que ce serait d’un piètre intérêt, et que je ferais beaucoup mieux de le surveiller discrètement.
    À chaque fois que je prenais cette décision, Helena Justina prétendait que c’était par pure fainéantise. Alors j’allais bien me garder de la mettre au courant des derniers développements. De toute façon, s’il ne s’agissait pas de quelque chose d’essentiel, je ne lui disais jamais quand j’obtenais des renseignements d’une très jolie fille.
     
    Si les habitants de Pella étaient avides de sang, ils savaient parfaitement se contrôler. Ils se conduisirent très bien pendant notre représentation des Frères pirates. Assis en rangées bien