Des rêves plein la tête
frapper à la porte des Morin un peu après dix heures. Il portait
dans ses bras sa fillette de deux ans et était accompagné de Pauline.
— Je pense qu'on
est partis pour veiller tard à soir, chuchota Pauline pour ne pas réveiller les
enfants de Laurette. J'espère que ça te dérange pas qu'on couche Louise dans
ton lit ?
— Pantoute, fit
sa belle-sœur qui s'attendait à devoir passer la nuit debout seule avec les
deux hommes. On va l'entourer d'oreillers pour qu'elle tombe pas.
Les quatre
adultes passèrent la nuit à discuter et à tenter de s'intéresser à la partie de
cartes qu'ils disputaient sans aucun entrain. Toutes les heures, Gérard et
Armand avalaient une pilule alors que leurs femmes combattaient de plus en plus
difficilement le sommeil. Vers quatre heures, Gérard finit par leur suggérer :
— Couchez donc la
petite dans le même lit que Carole et allez dormir une heure ou deux. On vous
réveillera avant de partir.
Les deux femmes
refusèrent obstinément de les laisser. Elles préparèrent du café et tinrent le
coup jusqu'au petit matin. Quand vint le moment de quitter l'appartement,
Gérard serra ses enfants contre lui avec effusion avant d'embrasser son épouse
qui s'était mise à pleurer autant d'épuisement que de chagrin. Armand embrassa
aussi Pauline et Louise.
— Faites-vous en
pas, dit-il à Laurette et à Pauline. On va revenir tout à l'heure. Ils nous
garderont pas. On a la patate qui bat sans bon sens.
Debout sur le pas
de la porte, Laurette et sa belle-sœur regardèrent leurs maris prendre la
direction de la rue Fullum. Et la longue attente commença. Denise et Jean-Louis
furent envoyés à l'école au moment où Richard et Gilles se réveillaient, frais
et dispos.
— Ma journée
commence, dit Laurette dans un souffle. J'ai ben plus le goût d'aller me
coucher que de m'occuper des petits.
— Vas-y. Il faut
que je reste debout pour Louise, lui proposa sa belle-sœur. Elle est à la
veille de se réveiller.
— T'es ben fine,
Pauline, mais je me sens ben trop inquiète pour être capable de fermer l'œil.
Je dormirai quand Gérard sera revenu.
Elles remirent
donc de l'ordre dans la maison et s'occupèrent des enfants. C'était une
magnifique journée.
Il faisait beau
et chaud. Pourtant, les heures s'égrenèrent avec une lenteur désespérante. A
plusieurs reprises, Laurette ouvrit la porte d'entrée et se pencha à
l'extérieur pour vérifier si Gérard et Armand revenaient à la maison.
— Pour moi, ils
les ont gardés, déclara-t-elle, au bord de la panique, un peu avant onze
heures. Ça a pas d'allure que l'examen prenne autant de temps. Je le savais
aussi, ça se pouvait pas que ça marche, leur affaire. Ça aurait été ben trop
facile.
Quelques minutes
plus tard, la porte d'entrée s'ouvrit,. Laurette, occupée à préparer le dîner
des enfants, tendit le cou pour voir qui venait d'entrer. C'était Jean-Louis.
— P'pa s'en vient
avec mon oncle, déclara l'écolier.
— Quoi?
— J'ai vu p'pa et
mon oncle, répéta son fils. Ils s'en viennent.
Laurette et
Pauline abandonnèrent immédiatement ce qu'elles faisaient pour se précipiter
vers la porte. Au moment où Laurette allait l'ouvrir, cette dernière livra
passage aux deux hommes, de toute évidence d'humeur très joyeuse.
— Dérangez-vous
pas ! s'écria Armand. C'est juste nous autres.
— Puis ? demanda
Laurette, près de défaillir.
— Ça a marché
comme sur des roulettes, expliqua son mari. On est refusés tous les deux. On va
donner le truc à Bernard quand il va recevoir sa convocation.
Pauline sauta au
cou de son mari, qui l'enlaça longuement.
— Mon Dieu que je
me sens soulagée ! arriva à dire Laurette d'une toute petite voix. Je voudrais
pas revivre ça pour une terre.
Laurette et
Gérard eurent beau insister pour garder leurs invités à dîner, ils refusèrent,
pressés d'aller se mettre au lit.
— J'arrêterai
même pas chez m'man pour lui dire qu'on n'ira pas dans l'armée, déclara Armand
à sa sœur au moment de la quitter. De toute façon, elle sait même pas encore
qu'on a reçu notre convocation.
Après le départ
de Denise et Jean-Louis pour l'école, Laurette s'empressa de coucher ses trois
jeunes enfants pour une longue sieste et alla s'étendre aux côtés de Gérard,
qui l'avait précédée. Malgré la chaleur régnant dans leur chambre, elle
s'endormit
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