Des rêves plein la tête
protesta sa fille.
— Il y a pas de
voyons donc, la reprit sa mère. Même si je passais une partie de mes soirées à
t'entrer quelque chose dans ta tête dure, tes notes étaient pas fameuses.»
Oublie pas que t'as doublé, toi aussi.
— C'est parce que
la sœur m'aimait pas !
— Je me rappelle
que c'est ce que tu disais, répliqua Annette avec un sourire narquois. Je
suppose que c'est l'excuse que tous les enfants donnent quand ils réussissent
pas à l'école. De toute façon, ça sert à rien que tu t'énerves. Le mal est
fait. Tout ce que tu peux faire, c'est de recommencer à les faire étudier
l'année prochaine, poursuivit sagement sa mère.
Au moment où
Laurette prenait congé, Annette se confia à son tour, désirant apparemment
mettre certaines choses au clair. Avec un timide sourire, elle lui dit :
— T'es ben fine
de t'être dérangée pour venir jaser avec moi deux ou trois après-midi par
semaine depuis que ton père est parti. J'ai dit la même chose à Marie-Ange et à
Pauline cette semaine. À cette heure, ça va pas mal mieux. Je sais que vous
avez toutes vos tâches à la maison, surtout toi, avec tes cinq enfants. Ça fait
qu'à partir d'aujourd'hui, vous avez plus à vous sentir obligées de me rendre
visite chacune votre tour pour me désennuyer. Ben sûr, vous pouvez toujours
venir me voir quand ça vous tente, mais sentez-vous pas obligées de le faire.
Je m'ennuie pas pantoute et je peux toujours aller vous visiter.
Laurette
acquiesça d'un hochement de tête et sourit à son tour, réalisant que sa mère se
sentait maintenant assez forte pour ne pas avoir à s'appuyer sur ses enfants.
Elle en fut ravie. Ainsi, la vie poursuivait son cours.
Lorsque Gérard
revint à la maison à la fin de sa journée de travail, sa femme se contenta de
lui tendre les quatre bulletins scolaires sans aucun commentaire. Le père de
famille se planta debout devant la porte moustiquaire pour profiter de la
clarté extérieure. Denise s'occupait alors de Carole, sur le balcon, et on
pouvait entendre les cris excités de Richard et de Gilles en train de s'amuser
avec des jeunes voisins dans la grande cour, de l'autre côté de la clôture.
Fidèle à ses habitudes, Jean-Louis était dans sa chambre en train de lire une
bande dessinée.
Après avoir
consulté chacun des documents, une grimace de mécontentement apparut sur le
visage du père de famille. Il mit les bulletins sur la-glacière et s'assit dans
sa chaise berçante après avoir saisi son journal, déposé sur le coin de la
table.
— Toute une belle
année ! dit-il sèchement à Laurette qui surveillait \a cuisson du pain de
viande qui serait servi pour le souper.
— C'est en plein
ce que je me suis dit quand j'ai vu ça.
— Pourtant, ils
ont étudié tous les soirs. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus ?
— Je le sais pas
encore, répondit sa femme, mais je te garantis qu'ils vont travailler plus
l'année prochaine. Ils sont pas niaiseux. Ils sont capables de passer leur
année comme les autres. Ce que je trouve le plus écœurant, c'est le maître de
Jean-Louis qui l'a pas laissé passer parce qu'il lui manquait trois petits
points. Je l'ai dit toute l'année qu'il avait l'air d'avoir une dent contre
lui.
— Cybole,
Laurette ! s'emporta brusquement son mari. Cinquante-sept pour cent, c'est pas
soixante pour cent!
Arrête de
toujours l'excuser ! Il est pas plus à plaindre que Denise ou Richard. Où
est-ce qu'il est, lui ?
— Dans sa
chambre.
— J'espère que tu
le laisseras pas encore passer tout son été enfermé là. Qu'il aille donc
prendre l'air dehors comme les autres.
— Il aime pas ça
jouer avec les autres, expliqua une fois de plus Laurette, soudain sur la
défensive. On dirait que tu comprends pas qu'il est pas comme les autres.
— Si tu le fais
pas sortir d'en dessous dé tes jupes, tu vas en faire un vrai fifi, prédit
Gérard en colère. Je veux qu'il sorte de la maison. C'est pas normal qu'il
reste enfermé des journées complètes dans sa chambre. Qu'il aille jouer avec
ses frères !
Le ton tranchant de
son mari incita la mère de famille à ne pas le contredire. Elle ne comprenait
pas comment la discussion sur les pauvres résultats scolaires des enfants avait
pu bifurquer brusquement sur le comportement de Jean-Louis. Gérard s'était levé
et était allé ouvrir la porte de la chambre de Jean-Louis.
— Va jouer avec
tes
Weitere Kostenlose Bücher