Des rêves plein la tête
avait fait pour
mériter une nouvelle punition. Contrairement à sa femme, Gérard ne perdit pas
son calme. Il voulut prendre le temps de réfléchir avant de sévir.
— Je veux que tu
lui sacres une bonne volée pour qu'il recommence plus jamais une affaire de
même, lui dit-elle quand elle sentit son hésitation.
— C'est correct,
se borna-t-il à répondre avant de se tourner vers son fils. Toi, va dans ta
chambre et attends-moi, ajouta-t-il à l'intention du fautif.
Cinq minutes plus
tard, Gérard retira la ceinture en cuir qui retenait son pantalon et se
dirigea, sans aucun enthousiasme, vers la chambre., que Richard partageait avec
Gilles. Il trouva son fils, le visage figé par la peur, debout au pied de son
lit. Le père de famille lui cingla les fesses de trois coups de ceinture bien
appliqués avant de lui déclarer:
— Que je te voie
plus jamais voler quelque chose ici dedans ! En plus, il est pas question que
tu fumes avant que t'aies seize ans. Tu m'entends ?
— Oui, p'pa,
balbutia le gamin avec des sanglots dans la voix.
— Tu te coucheras
à sept heures le reste de la semaine, conclut Gérard avant de quitter la
chambre.
Une fois son père
parti, Richard sécha vite ses larmes, se réjouissant à l'avance d'échapper à la
récitation du chapelet durant les cinq prochains jours. Toutefois, sa joie fut
de courte durée.
— Si ça te fait
rien, on va le coucher à sept heures et demie, déclara Laurette à son mari au
moment de passer
à table. Il
manquerait plus qu'il soit exempté de venir à la récitation du chapelet à
l'église parce qu'il a volé.
— Comme tu
voudras, consentit Gérard. Quelques minutes plus tard, Gilles rejoignit son
jeune
frère dans leur
chambre, en catimini.
— Pourquoi tu
m'as pas laissé dire à m'man que j'avais fumé une des cigarettes que tu lui
avais volées ? lui demanda-t-il dans un murmure.
— Ça aurait
changé quoi ? J'aurais eu la même volée et t'en aurais eu une aussi. Je me
demande comment ça se fait qu'elle s'est aperçue que je lui ai piqué des
cigarettes. Son paquet était presque plein... C'est peut-être Jean-Louis qui
nous a vus fumer en sortant de l'école. Si c'est lui, le grand niaiseux, il va
me le payer !
— Ben non. Tu
sais ben que m'man l'aurait dit si son chouchou nous avait vus, le raisonna
Gilles.
— En tout cas,
c'est plate ! A cette heure, comment on va faire pour fumer ?
— Je le sais pas,
admit Gilles.
Cinq semaines
plus tard, l'été tant attendu par les écoliers du quartier arriva enfin.
Pendant quelques jours, le thermomètre flirta allègrement avec les 80 °E Les
jeunes ne parlaient plus que des baignades au bain Quintal de la rue Dufresne
et des Grèves de Contrecœur où certains auraient la chance d'aller passer trois
semaines durant l'été. Les fenêtres des classes de l'école Champlain restaient
ouvertes toute la journée et les passants entendaient clairement les éclats de
voix des instituteurs impatientés par la nervosité ou la paresse de leurs
élèves.
Le 21 juin,
Denise fut la dernière à quitter la maison, en compagnie de son amie Colette.
Ses frères étaient partis
dès huit heures,
comme si le fait d'arriver tôt à l'école allait leur permettre de revenir plus
vite chez eux.
— Vous commencez
juste à neuf heures aujourd'hui, avait voulu les raisonner leur mère en
desservant la table.
— On le sait,
m'man, mais on veut avoir le temps de jouer au drapeau dans la cour avant que
ça commence, lui avait expliqué Gilles.
— C'est le firn
aujourd'hui, avait ajouté Richard, tout excité. On n'a même pas de sac d'école
à traîner.
— Je suppose que
t'en auras pas besoin pour rapporter tous les prix que tu vas gagner, lui avait
fait remarquer Laurette d'une voix acide. Bon. C'est correct. Allez-y, mais
essayez de pas revenir sales comme des cochons.
Les deux jeunes
étaient sortis de la maison en se bousculant, tout heureux à la pensée de se
retrouver bientôt en vacances. Pour sa part, Jean-Louis avait attendu sagement
une quarantaine de minutes plus tard avant de se mettre en route.
Un peu avant onze
heures, les enfants rentrèrent les uns après les autres. Ils avaient tous les
mains vides. Leur excitation matinale avait presque entièrement disparu. Leur
mère crut d'abord que leur abattement était causé par le fait qu'ils n'avaient
obtenu aucun prix.
—
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