Des rêves plein la tête
l'accident dont Annette avait été victime, ils décidèrent d'aller
voir la dépouille. Une infirmière les accompagna jusqu'à une petite chambre
blanche aux murs dénudés. Le corps d'Annette, recouvert d'un drap blanc,
reposait sur une civière.
L'infirmière, une
grande femme aux traits sévères, chuchota alors à l'oreille d'Armand, debout à
ses côtés :
— J'aime autant
vous dire que le corps n'est pas en très bon état. Peut-être vaudrait-il mieux
qu'un seul d'entre vous le reconnaisse.
Mais Laurette
avait tout entendu.
— On veut la
voir, dit-elle sur un ton sans appel en se glissant près de la civière.
L'infirmière
souleva un peu le drap sans le lâcher pour autant. Gérard, persuadé que ce
n'était pas une très bonne idée, s'approcha de sa femme pour la soutenir.
— Ah ! mon Dieu !
s'écria Laurette à là vue du visage défiguré de sa mère. C'est pas possible
qu'elle ait été maganée comme ça ! C'est pas humain !
Armand fit signe
à l'infirmière de laisser tomber le drap tandis que Gérard entourait sa femme
de ses bras et l'entraînait hors de la pièce. Bouleversés, ils sortirent tous
de la chambre et retournèrent s'asseoir dans la salle d'attente, incapables de
prendre la moindre décision. ils demeurèrent silencieux un long moment, assommés
par le drame qui les frappait.
— Je vais aller
voir où on doit signer les papiers, annonça finalement Armand en s'essuyant les
yeux à la dérobée.
— J'y vais avec
toi, dit Bernard.
— Qu'est-ce qu'on
va faire avec m'man ? demanda Armand.
— Qu'est-ce que
tu veux dire par là? lui demanda Laurette après s'être mouchée.
— Est-ce qu'on
l'expose dans un salon funéraire ou dans son salon ?
— Dans son salon,
trancha l'aînée de la famille d'une voix misérable. Elle aurait pas voulu être
ailleurs.
— OK, dit Armand
en se levant. On va s'occuper du cercueil et des papiers. Je pense que ça sert
à rien qu'on soit tous les quatre pour régler ça. Peut-être que vous
pourriez vous
arrêter au presbytère en passant pour savoir quand est-ce que le service
pourrait être chanté, ajouta-t-il en s'adressant à Laurette et à son mari.
— Laissez faire
les téléphones à la famille, intervint Bernard. Je suis le seul à en avoir un.
Je m'en occuperai en rentrant.
— On s'en
retourne à la maison, décida Laurette en se levant à son tour. Armand, va
demander la sacoche de m'man, commanda-t-elle à son frère. J'ai besoin de la
clé. Je vais aller préparer le salon, expliqua-t-elle avant de se remettre à
pleurer.
— C'est correct,
l'approuva son frère. Moi, j'ai déjà une clé de l'appartement. On va passer
prendre du nouveau linge pour m'man parce que je suis certain qu'on va m'en
demander, comme quand p'pa est parti.
Dès qu'elle eut
en main la clé de l'appartement de la rue Champagne, Laurette quitta l'hôpital
en compagnie de son mari.
— Maudit que
j'haïs cette place-là! dit-elle avec conviction en franchissant la porte.
Chaque fois qu'on met les pieds là, c'est parce que quelqu'un est mort !
Gérard se
contenta de héler un taxi et d'y monter avec sa femme. Cette dernière ne
protesta pas devant la dépense. Elle se laissa tomber sur la banquette arrière
en se tamponnant les yeux avec son mouchoir. Le couple se fit déposer devant le
presbytère de la paroisse. Le curé Perreault accepta de célébrer les funérailles
de la paroissienne, qu'il connaissait de vue, le lundi suivant.
— J'irai prier au
corps ce soir, leur promit-il avant de raccompagner le mari et la femme à la
porte.
A leur retour,
ils trouvèrent Denise, seule dans la cuisine.
— Tes frères sont
partis à l'école ?
— Oui, p'pa.
Madame Gravel avait préparé le dîner. Elle m'a même aidée à faire la vaisselle.
— Où est Carole ?
demanda la mère de famille en retirant son manteau.
— Je viens de la
coucher, m'man. Madame Gravel m'a dit que mémère avait eu un accident. Est-ce
que c'est grave ? demanda l'adolescente, inquiète.
Laurette n'eut
que la force de hocher la tête. Gérard s'approcha de sa fille et dit à voix
basse :
— Ta grand-mère
est morte, Denise. Ils ont rien pu faire pour la sauver. Je pense que ta mère
va avoir besoin de ton aide pour passer à travers ça. Dis rien à tes frères
quand ils vont arriver de l'école, je vais leur dire moi-même.
A l'annonce de
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