Des rêves plein la tête
vers Laurette. Je
suis à vous dans quelques minutes.
Laurette remercia
la grande femme au chignon gris impeccable et s'assit sur l'une des chaises
disposées tout autour de la pièce. Quelques minutes plus tard, l'infirmière dit
à la mère de l'enfant qu'elle pouvait rhabiller son poupon et vint prendre
place derrière son bureau après avoir invité Laurette à s'approcher.
— Est-ce que
c'est la première fois que vous venez à la Goutte de lait? lui demanda-t-elle
aimablement.
— Oui, madame.
— C'est donc
votre premier enfant? en conclut faussement la garde-malade.
— Non, c'est mon
deuxième. La dame sourcilla.
— Est-ce que je
peux vous demander pourquoi vous ne vous êtes jamais présentée avec votre
premier enfant, madame ? s
— Ben... c'est
qu'elle a jamais été malade, déclara Laurette, comme si cela allait de soi.
— Je pense,
madame... ?
— Morin.
— Je pense,
madame Morin, qu'on vous a mal expliqué ce qu'était la Goutte de lait. On a des
dispensaires dans presque tous les quartiers de Montréal depuis 1911. Je
m'appelle garde Desnoyers et je travaille pour la Goutte de lait depuis plus de
vingt ans. On l'a créée parce qu'il y avait trop d'enfants qui mouraient en bas
âge. On est là pour donner des conseils d'hygiène aux mères et aussi pour leur
expliquer comment soigner et nourrir leurs bébés. On donne aussi des vaccins
pour protéger les enfants des maladies.
Le visage de
Laurette se ferma légèrement en écoutant les explications de la quadragénaire
devant laquelle elle était assise. Elle ne croyait pas avoir besoin de conseils
pour bien prendre soin de ses enfants. De plus, elle
interprétait les
paroles de l'infirmière comme un reproche de ne pas y avoir présenté Denise
depuis sa naissance.
— S'il fallait
qu'il arrive quelque chose de grave à l'un de vos enfants, conclut garde
Desnoyers, vous vous en voudriez pour le restant de vos jours d'avoir été aussi
négligente. Bon, on va examiner ce petit bonhomme-là, ajouta-t-elle avec bonne
humeur. Déshabillez-le sur la table pendant que je remplis son dossier.
— Je pensais
qu'il y aurait un docteur, dit la jeune mère, un peu déçue de n'avoir trouvé
sur place qu'une infirmière.
— On a un médecin
qui vient faire une visite une fois par mois, expliqua la garde. Mais, en règle
générale, je m'occupe du dépistage et de la vaccination.
Laurette dévêtit
son fils tout en répondant aux questions de l'infirmière. Cette dernière déposa
sa plume, se leva et vint examiner Jean-Louis. Le bébé, bien réveillé, bougeait
ses bras et ses jambes, et il se laissa manipuler sans pleurer.
— Voilà un petit
homme qui a l'air en pleine santé, dit garde Desnoyers.
— Mais il a des
boutons sur le ventre, lui fit remarquer la jeune mère, pas du tout persuadée
de la compétence de l'infirmière.
— Ce ne sont que
des rougeurs d'échauffement. Un peu d'onguent de zinc et ils vont disparaître
dans les vingt-quatre heures.
L'infirmière pesa
l'enfant, le mesura et nota les renseignements dans son dossier.
— On va aussi le
vacciner, déclara-t-elle en prenant une seringue.
— Est-ce que
c'est ben nécessaire, cette affaire-là ? demanda Laurette, alarmée à la vue de
la longue l'aiguille par laquelle se terminait la seringue.
— Évidemment,
madame. C'est un vaccin qui va protéger votre garçon de la diphtérie. C'est une
maladie mortelle, vous savez.
Garde Desnoyers
piqua Jean-Louis dans le bras. Le bébé se mit à pleurer bruyamment. Le cœur de
Laurette se serra et elle s'empressa de prendre son fils dans ses bras pour le
consoler.
— Vous pouvez le
rhabiller, madame Morin. Ce sera tout pour aujourd'hui.
Soulagée d'en
avoir fini, Laurette se dépêcha d'habiller son fils.
— Il est possible
que votre bébé fasse un peu de fièvre aujourd'hui en réaction au vaccin, la
prévint l'infirmière. Ça se peut même que son bras enfle un peu. Si c'est le
cas, appliquez-lui des compresses sur le bras. Ça va finir par passer.
— C'est correct,
dit Laurette.
— Revenez me voir
avec le petit après les fêtes pour un rappel.
— Un rappel ?
— Il doit
recevoir une autre série de vaccins, madame Morin, expliqua l'infirmière.
La jeune mère
remercia et quitta l'endroit en portant un Jean-Louis qui n'avait pas cessé de
pleurer depuis qu'il avait reçu
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