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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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d'une
voix décidée,  i
     
    Le mois de juin
finit par arriver et ne ressembla en rien à celui de l'année précédente. Cette
fois, la chaleur était au rendez-vous, accompagnée le plus souvent d'une
humidité écrasante. Enceinte de huit mois, Laurette peinait dès le milieu de
l'avant-midi en accomplissant ses tâches ménagères. Ses jambes enflaient
facilement et elle avait le souffle court.
     
    Depuis leur
arrivée rue Emmett, les Morin avaient pris l'habitude de s'asseoir sur le
balcon arrière de leur appartement quand il faisait chaud, même si l'endroit
possédait bien peu de charmes. Coincé entre deux hangars, ce balcon donnait sur
une petite cour en terre. Il fallait sérieusement allonger le cou pour parvenir
à voir au-dessus de la clôture qui la ceinturait et apercevoir ce qui se passait
dans la grande cour commune aux maisons de la rue Notre-Dame. De plus, une
vieille écurie nauséabonde, construite sur le côté droit de cette grande cour,
obstruait partiellement la vue des Morin. On pouvait cependant deviner
     
    aisément que
l'emplacement servait de terrain de jeu, puisque le plus souvent et, surtout
l'été, des enfants s'y poursuivaient toute la journée en criant.
     
    Le pire était
que, encastré entre les hangars, ce balcon n'était jamais balayé par le moindre
souffle d'air frais. Il offrait même en supplément les effluves de la poubelle.
Son seul avantage était d'offrir un peu d'ombre, rien de plus.
     
    Ce jour-là, il
faisait si chaud depuis la fin de l'avant-midi que Laurette étouffait
littéralement dans l'appartement. Après le repas du midi, elle sortit pour
acheter un pain au boulanger qui passait et découvrit qu'une légère brise
s'était levée. Elle aperçut au bout de la rue deux femmes en train de discuter,
assises confortablement devant leur porte.
     
    La future maman,
à bout de force, décida de les imiter dès qu'elle aurait terminé son travail
pour profiter d'un peu de fraîcheur. Elle alla chercher sa vieille chaise
berçante pliante et la déposa sur le trottoir, sans trop se soucier d'obstruer
sérieusement le passage. Elle laissa la porte de l'appartement ouverte pour
être en mesure d'entendre les pleurs de Denise lorsqu'elle se réveillerait.
     
    Quelques minutes
lui suffirent pour apprécier l'endroit. Comme elle habitait l'avant-dernière
maison de la rue, la vue qui s'offrait à elle englobait une bonne portion de la
rue Archambault, qui y prenait naissance. Elle pouvait même apercevoir la rue
Fullum, à l'autre extrémité. Il ne passait guère de voitures sur ces petites
artères, mais la clientèle de l'épicerie Comtois assurait un va-et-vient
régulier qui brisait la monotonie.
     
    Après quelques
minutes de repos, Laurette se dit qu'il n'y avait aucune raison pour qu'elle ne
puisse pas fumer à son aise. Elle ne marchait tout de même pas sur la rue. La
section de trottoir où elle était assise pouvait être considérée comme un
prolongement de son appartement. Elle entra
     
    donc à
l'intérieur, s'empara de son porte-cigarettes, revint s'asseoir et se mit à
fumer en toute quiétude tout en se berçant.
     
    Un peu après cinq
heures, la jeune femme entendit s'ouvrir les persiennes, à l'étage au-dessus.
Elle leva la tête au moment où sa voisine posait un coussin sur le rebord de la
fenêtre pour s'installer plus confortablement.
     
    — Pauvre madame
Morin ! lui dit Cécile Lozeau d'une voix assez forte pour être entendue
facilement de tous les voisins. Ça doit pas être drôle d'avoir à endurer une
chaleur pareille dans votre état.
     
    — J'achève,
madame Lozeau.
     
    — Tant mieux pour
vous. Bâtard, qu'il fait chaud ! J'ai de la misère à m'endurer. Si je
m'écoutais, je me promènerais en brassière dans la maison si j'avais pas peur
qu'on me prenne pour une guidoune.
     
    — Pour faire
chaud, il fait chaud, se contenta de dire Laurette.
     
    — Tiens, v'là
votre mari qui s'en vient, reprit-elle en pointant un doigt vers la rue Fullum.
On peut dire que vous avez marié un bel homme, madame Morin.
     
    — C'est vrai
qu'il est pas pire, reconnut Laurette en regardant venir Gérard qui, comme
toujours, était soigneusement peigné et habillé, malgré l'humidité accablante.
     
    Elle ne remarqua
pas le léger sursaut de son mari lorsqu'il l'aperçut assise, échevelée et
débraillée, dans sa chaise berçante, sur le trottoir. Comble du laisser-aller,
elle fumait en public et parlait à tue-tête avec la voisine.

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