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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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dorment? demanda Lucille en tendant son manteau à sa bru.
     
    — Seulement le
petit, répondit Gérard. Denise joue dans la cuisine.
     
    Les visiteurs
suivirent leurs hôtes dans la cuisine. Denise délaissa sa poupée et tendit les
bras en direction de ses grands-parents. Lucille déposa un léger baiser sur le
front de la fillette, mais ne fit pas un geste pour la prendre dans ses bras.
Conrad l'embrassa à son tour avant de la soulever, de s'asseoir et de la
déposer sur ses genoux.
     
    Durant quelques
minutes, le père et le fils discutèrent des exactions du gouvernement libéral
d'Alexandre Taschereau révélées par le comité des comptes et rapportées tant
par la presse écrite que par la radio.
     
    — J'aime ben
l'ouvrage fait par le député de Trois-Rivières, Maurice Duplessis, dit Gérard
avec enthousiasme. Il paraît qu'il y va pas avec le dos de la cuillère.
     
    — J'aime pas mal
mieux Paul Gouin, affirma son père. Ils ont beau s'être mis ensemble aux
dernières élections, j'ai plus confiance en Gouin.
     
    — Au fond, p'pa,
ils s'aident tous les deux pour nous débarrasser de ces croches-là, lui fit
remarquer Gérard en arborant une mine dégoûtée. Duplessis est en train de
déculotter les rouges devant toute la province, et c'est tant mieux. L'argent
qu'ils se sont mis dans les poches aurait dû aller à aider le pauvre monde.
     
    — Il y a tout de
même le Secours direct, intervint Lucille.
     
    — Voyons, m'man,
protesta son fils. Le Secours direct permet juste de pas mourir de faim. Ils
donnent entre trente et quarante cents par jour.
     
    — Et c'est pas
gratuit pantoute à part ça, tint à préciser Laurette à son tour. Il paraît que
le monde qui en reçoit doit travailler au moins dix heures par jour pour
l'avoir.
     
    — C'est vrai ce
que vous dites là, tous les deux, les approuva Conrad Morin. Je trouve que
c'est aussi pire que l'ancienne loi sur l'indigence. En 1921, avec cette
loi-là, on aidait les pauvres, mais pas avant d'avoir fait une enquête sur leur
moralité et avoir vérifié s'ils pratiquaient leur religion comme il faut. Au
fond, c'était le curé de la paroisse qui décidait si quelqu'un avait le droit
de recevoir quelque chose.
     
    — Au moins, p'pa,
le Secours direct va avoir permis de construire un beau jardin botanique dans
l'est de la ville. J'ai lu dans La Presse qu'on va l'inaugurer le 6 mai. Il
paraît que ça va être de toute beauté, cette affaire-là.
     
    On parla encore
durant de longues minutes des efforts en apparence vains du maire Camilien
Houde, réélu à la mairie de Montréal depuis deux ans, pour venir en aide aux
pauvres de sa ville. Alertée par les pleurs de Jean-Louis, Laurette s'absenta
un moment et revint avec son fils dans les bras. Lorsqu'un court silence
s'installa, Lucille interpella son mari :
     
    — Il serait
peut-être temps que tu leur en parles.
     
    Ce dernier se
secoua et prit un air sérieux avant de poursuivre.
     
    — Ben oui. Est-ce
que c'est assez bête ? On est là, parle, parle, jase, jase et je vous ai pas
encore dit pourquoi on s'est arrêtés vous voir aujourd'hui. On n'est pas juste
venus vous dire bonjour en passant.
     
    — Ah ! dit
Laurette, intriguée.
     
    — Imagine-toi,
Gérard, que le père Duchesne prend sa retraite dans une semaine ou deux.
     
    — Qui est-ce que
c'est, cet homme-là? demanda Laurette.
     
    — Le plus vieux
magasinier chez Casavant, répondit Gérard, qui avait souvent entendu parler de
l'homme à la maison. Puis, p'pa ? ajouta-t-il en s'adressant à son père.
     
    — Si tu veux
avoir sa job, tu peux l'avoir, déclara Conrad Morin, le visage illuminé. C'est
pas une bonne nouvelle, ça?
     
    — Je comprends,
dit son fils, sans grand enthousiasme.
     
    — En plus, reprit
sa mère, les Gauthier, en dessous de chez nous, déménagent, et leur logement
est pas encore loué. Vous pourriez venir vous installer là. La maison est pas
mal plus jeune que la vôtre et elle est aussi grande. Vous auriez une cour,
comme ici.
     
    — C'est un pensez-y
ben, admit Gérard en jetant un coup d'oeil à sa femme, qui avait posé
Jean-Louis dans son parc.
     
    — Combien tu
gagnes par semaine ? reprit Conrad.
     
    — Douze piastres.
     
    — Je suis pas
sûr, mais je pense que c'est à peu près ça que Casavant donne au père Duchesne.
Qu'est-ce que t'en penses ?
     
    — Il faut que j'y
pense, répondit son fils d'une voix hésitante.
     
    — J'espère que
j'ai mon mot à

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