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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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d’exécuteurs de Vierzon et
avait la profession de metteur au point de moteurs automobiles. Une spécialité
qui l’avait amené à visiter l’Europe, mais aussi la Russie et même les Indes où
il s’était fait tatouer sur le poignet un poignard entrelacé d’un serpent
dardant une langue fourchue. C’était sa femme qui l’avait persuadé de devenir
l’adjoint de deuxième classe d’Anatole. « Ça ne t’empêchera pas de
conserver ton emploi à l’atelier et ça nous fera onze mille francs de plus par
an. » Depuis sa première tête, Henri rêvait de devenir exécuteur-chef (à
vingt-cinq mille francs annuels). Il vit l’arrivée du fils Pibrac comme une
lointaine menace.
    Malgré la verve de Gros Louis, le
repas fut quelque peu crispé et pour la première fois Rosalie s’abstint de
susciter des compliments sur ses talents de cuisinière : la présence de
quelqu’un susceptible de dire ce qu’il pensait vraiment la terrorisait.
    Tout en mangeant, Anatole observait
Saturnin. Il appréciait la sobriété de ses gestes, aussi bien pour briser son
pain que pour couper sa viande ou se verser de l’eau… Car il ne buvait pas de
vin, ce qui choquait Yvon et Gros Louis qui en buvaient trop. Anatole remarqua
également la facilité avec laquelle le jeune homme avait séduit Marcelle en lui
parlant d’un ton égal, sans changer de tonalité comme le faisaient les autres
lorsqu’ils s’adressaient à un enfant ou à un animal.
    Aidée de Georgette, Rosalie
changeait les assiettes et s’apprêtait à servir le fromage et la corbeille de
fruits quand Saturnin dit :
    — Savez-vous quand aura lieu la
prochaine exécution ?
    — Il le fait exprès ou
quoi ?
    — Tais-toi, Yvon, il ne peut
pas savoir.
    Il n’existait qu’un seul tabou chez
les Deibler, et il venait de le briser : on ne parlait jamais métier
devant la famille et encore moins à table.
    — Écoute-moi, Saturnin. On ne
parle jamais des hautes œuvres ici, on n’en parle qu’entre nous, jamais à
table, tu comprends ?
    — Je comprends. Mais ce que je
ne comprends pas, ce sont les raisons, dit-il après un temps de réflexion
durant lequel il donna le sentiment qu’il tournait vraiment sept fois sa langue
dans sa bouche avant de répondre.
    Anatole perçut confusément ce qui
clochait chez ce jeune Pibrac : il avait le chic pour pousser les gens
dans des culs-de-sac.
    — Chez moi, on ne parle pas du
métier, c’est ainsi. Contente-toi d’obéir. Ton grand-père a dû t’apprendre que
si tu veux commander un jour, tu dois apprendre à obéir.
    A la surprise générale, Saturnin se
leva, alla jusqu’à la porte, l’ouvrit et dit :
    — Pourrais-je vous parler,
patron ?
    Perplexe, Anatole regarda tour à
tour sa femme, puis ses adjoints, avant de le rejoindre sur le perron.
    — Pourquoi tous ces
mystères ? Je t’écoute.
    — Savez-vous quand aura lieu la
prochaine exécution ? lui souffla Saturnin dans l’oreille.
     
    *
     
    Le déjeuner terminé, les femmes
s’occupèrent de la vaisselle, les hommes allumèrent des cigarettes dans le
salon et Marcelle retrouva sa tortue.
    — Allons à la Folie-Régnault,
dit Anatole après avoir consulté sa montre, on lui montrera les bois. On pourra
déjà se faire une idée.
    — Poil au pied, dit finement
Gros Louis.
    Ils allaient sortir quand Saturnin
se dirigea vers l’escalier.
    — Où vas-tu ? demanda le
patron. Nous partons tout de suite.
    — Je sais, mais comme nous
sortons, je vais mettre mon revolver.
    — C’est inutile, je t’assure.
Tu es à Paris ici, pas à Bellerocaille.
    — Il a un revolver ?
s’étonna Henri.
    Hippolyte lui ayant expressément
recommandé de ne jamais sortir sans arme, Saturnin n’hésita pas.
    — Je dois le mettre, patron, je
fais vite.
    Déjà il grimpait les marches.
    — Ça promet, soupira Yvon.
    Quand ils furent tous entassés dans
la voiture, la Darracq prit la direction du XI e arrondissement.
Coincé à l’arrière entre Henri et Gros Louis, Saturnin découvrait Paris à la
vitesse moyenne de vingt-cinq kilomètres à l’heure.
    Désignant la bosse sous sa veste de
chasse, Yvon lui demanda :
    — Tu peux me le montrer ?
    Le jeune homme dégrafa le rabat de
cuir de l’étui et sortit le bulldog qu’il présenta en le tenant par le canon.
    — J’espère que tu as ton permis
sur toi, s’inquiéta le conducteur.
    — Oui, patron. C’est un
national.
    — Il est petit, dit Yvon en
tripotant

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