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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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vrai qu’avec moi ça ne
traîne pas.
    Tout le contraire de son père Louis,
réputé pour sa lenteur.
    — Je pense que tu feras un bon
chef. Tu peux écrire à ton grand-père que je l’ai dit. Je ne serais d’ailleurs
pas étonné si tu le surpassais un jour.
    — S’il était ici, il vous
dirait que c’est naturel, puisqu’il n’a pas bénéficié d’un aussi bon maître que
moi… Mais justement, j’ai beaucoup réfléchi sur les hautes œuvres. Ce serait un
grand honneur de vous succéder, mais ça m’obligerait à m’installer à Paris, et
ça, je ne le veux pas.
    — Mais pourquoi, grand diable,
tu n’es pas bien chez nous ?
    — Ce n’est pas ça, patron, c’est
le pays qui me manque. Je pense tous les jours à grand-père et à Casimir, tout
seuls là-bas. Vous savez, ils sont âgés et il y a beaucoup de travail pour
maintenir l’oustal et s’occuper du musée. Ils me manquent et je sais que je
leur manque… Et puis ici je ne suis pas chez moi. Ici, personne n’a vraiment
besoin de moi, tandis qu’à l’oustal…
    Ce même soir, Saturnin écrivit une
lettre à son grand-père qui commençait par : « Ça y est, je suis
vacciné ! Mais ça n’a pas été une mince affaire. »
     
    *
     
    Huit mois (et neuf exécutions) après
son arrivée à Paris, Saturnin retournait à Bellerocaille.
    Anatole, Rosalie et Marcelle Deibler
l’avaient accompagné sur le quai pour lui souhaiter un bon voyage. Henri et
Gros Louis étaient présents avec André, le petit nouveau. Seul manquait Yvon
qui ne s’était jamais remis de sa hernie et était redevenu coiffeur à plein
temps.
    Le chef de gare siffla, la
locomotive souffla un nuage de vapeur. Le cœur en fête, Saturnin monta sur le
marchepied. Le train bougea.
    — Tu sais que tu peux revenir
quand tu veux, il y aura toujours une place pour toi parmi nous.
    — Merci, patron, je n’oublierai
pas.
    Après un dernier signe de la main,
il disparut dans son compartiment de première classe molletonné comme
l’intérieur d’une boîte de chocolats.
    Il sourit en anticipant la surprise
de son grand-père et de Casimir lorsqu’il leur offrirait les cadeaux entreposés
dans le fourgon aux bagages. Il y avait pour le valet une cuisinière
ultramoderne, un modèle suédois à quatre foyers, four à réglage, barre de
cuivre et tisonnier d’acier trempé. Pour Hippolyte il avait acheté un
phonographe et une trentaine de disques d’opéra et de grande musique. Lui-même
s’était offert un Klapp de reportage 13X18 qui allait faire loucher d’envie
Alphonse Puech.
     

Chapitre IX
     
    L’oustal Pibrac, le dimanche 2
août 1914.
     
    Quand le tocsin retentit, Casimir
distribuait la provende des poules en les encourageant d’impératifs
« piou, piou, piou, piou ». Dans l’oustal, Hippolyte, assis dans son
fauteuil, faisait les mots croisés du Journal de l’Aveyron et séchait
sur un mot de sept lettres : « On peut le mettre en boîte sans
risquer de le vexer. » En bout de table, Saturnin expédiait des cartes
postales du musée aux proches des dernières victimes de crimes de sang, les
invitant à venir les visiter lors de leurs vacances. La liste des noms lui
était fournie par Hippolyte qui la tenait de ses lectures assidues de la presse
parisienne et provinciale.
    Saturnin sortit dans la cour où
Casimir, nez au vent, cherchait une trace de fumée dans le ciel azur. Loin de
s’apaiser, le tocsin, jusque-là sonné par les trois églises, s’augmenta du son
aigrelet du beffroi de la mairie et de celui, plus sourd, de la cloche de
l’école.
    Hippolyte sortit à son tour et dit à
son petit-fils :
    — Tu devrais aller voir, on
dirait que c’est grave.
    L’avant-veille déjà, on avait
assassiné Jaurès. Mais seule la mairie et l’école avaient manifesté leur
indignation en mettant le drapeau en berne. Pour que la mairie, l’école ET les
églises sonnent à l’unisson, il fallait qu’on ait assassiné le président
Poincaré ! A moins que…
    Saturnin sella Pomponnette, la
percheronne achetée une semaine plus tôt à la foire de Rodez, Casimir alla
ouvrir le portail, Hippolyte monta aux créneaux de la tour nord.
    — A tout à l’heure, dit Saturnin
en lançant la jument sur le chemin.
    Casimir retint Brise-Tout qui
voulait le suivre, referma le vantail et rejoignit son maître. Celui-ci
scrutait l’horizon à la longue-vue.
    — En tout cas, ce n’est pas un
feu, dit-il en lui tendant la jumelle pour

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