Don Juan
me rejoindre au Louvre où je l’attends.
Brisard s’inclina.
Loraydan fouilla dans sa bourse, d’un doigt hésitant. Et Brisard frémit de stupeur.
– Il veut me donner de l’argent ? Lui ! à moi ! quel miracle !… Loraydan, brusquement, renfonça sa bourse.
– Non ! murmura-t-il. Ce serait faiblesse, et ce drôle pourrait croire que j’ai peur…
Il s’en alla, d’un pas tranquille – trop tranquille.
– À la bonne heure ! fit Brisard. Je me disais bien aussi… Quant au gentilhomme en question, non, non et non, je ne l’ai pas vu sortir. Où diable peut-il être ?
Brisard, quelques minutes, médita sur cette question, et conclut :
– Qu’est-ce que cela peut me faire ? De quoi diable vais-je me mêler ? L’homme est sorti ou n’est pas sorti. Cela ne me regarde pas, moi.
Amauri sortit de l’hôtel, la tête baissée, songeant à des choses confuses. Devant sa porte, dans le chemin, il se heurta à quelqu’un arrêté là, et gronda : « Gare donc, manant ! » Le quelqu’un se recula sans rien dire.
Loraydan traversa Paris en fête, car la fête continuait : le peuple se réjouissait de la joie de ses maîtres, ne pouvant se réjouir de ses propres joies : il en a toujours été ainsi, et longtemps encore il en sera de même. Beaucoup de maisons étaient pavoisées de belles tapisseries. À un carrefour, on représentait un beau mystère sur un théâtre, qui avait été élevé tout exprès par la confrérie. En d’autres endroits, des jongleurs et bateleurs faisaient des tours d’adresse ou de force, récompensés ensuite par les pièces de menue monnaie que les spectateurs en plein vent leur jetaient. Non loin du Louvre, une fontaine avait été dressée ; elle représentait un Bacchus assis sur une tonne, et de cette tonne, le vin coulait, surveillé par deux sergents qui empêchaient qu’on en emportât dans des brocs ; seulement, en buvait qui voulait, au moyen d’un gobelet attaché par une chaînette d’acier.
Au Louvre, force officiers, force courtisans dans les cours, dans les escaliers, dans les antichambres, une sourde rumeur joyeuse dans le vaste palais, des gens qui s’abordaient en souriant d’un air de joie, comme si quelque grand bonheur leur fût advenu.
François I er était en conférence avec l’empereur Charles-Quint.
Amauri de Loraydan se glissa dans les groupes, et, parvenu jusqu’à la porte du cabinet royal, avisa M. de Bassignac qui, aussitôt, lui fit signe d’approcher.
– Sa Majesté vous a fait déjà demander plusieurs fois, dit le valet de chambre. Je vais la prévenir de votre arrivée.
Dans les groupes de courtisans, on ne parlait que de la grande passe d’armes qui allait se tenir proche les vieilles Tuileries, et du beau dîner qui allait s’ensuivre.
Loraydan attendit une heure, après quoi il fut introduit dans une salle où il se trouva seul. Au bout de quelques minutes, une porte s’ouvrit : un instant, à travers cette porte, Amauri entrevit la sombre figure de Charles-Quint. Mais la porte se referma aussitôt, ayant livré passage à François I er , qui vint en courant jusqu’au comte de Loraydan.
– Eh bien ? lui demanda-t-il anxieusement. Le Commandeur d’Ulloa ?…
– Sire, dit Loraydan, j’ai l’honneur et le bonheur d’informer Votre Majesté que ma mission auprès de M. le Commandeur d’Ulloa s’est terminée selon le désir du roi.
François I er tressaillit de joie, saisit le bras du courtisan, et murmura :
– Quoi ! Le Commandeur consent ?…
– Il m’en a donné l’assurance formelle ; il est résolu, dès le prochain conseil, à indiquer fortement que le duché de Milan doit, selon toute justice, faire retour à la couronne de France.
Amauri de Loraydan s’inclina très bas, et d’une voix émue, acheva :
– Que Dieu protège le roi !…
François I er , dans un transport, saisit le comte dans ses bras, l’embrassa avec effusion :
– Loraydan, dit-il, ton père fut un vaillant. Il est mort avant d’avoir pu être récompensé. Toi, tu es son digne fils en courage. Mais tu es aussi un précieux ambassadeur. En toi, je veux récompenser le père et le fils. Loraydan, tu rends à ton roi le plus signalé service…
– Vive le roi ! dit Loraydan d’une voix contenue.
– Tu me demanderas ce que tu voudras, au nom de ton père d’abord, en ton nom ensuite. Et pour commencer, viens : je veux te présenter moi-même à l’empereur.
Par
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