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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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mariage ?…
    – Et pourtant, ajouta Canniedo, tu aimes sûrement celle que demain tu épouses ?…
    – Je l’adore, répondit don Juan avec exaltation. Par ce qu’il y a de plus sacré au monde, son bonheur m’est plus cher que la vie. Mais comment un cœur d’homme pourrait-il n’avoir qu’une fenêtre ouverte sur le ciel ? Dites, mes hôtes, dans la rue, dois-je détourner mon regard de cette duchesse qui passe, belle comme une déesse du mont Ida, ou de cette servante qui, sur la tête, porte sa jarre d’eau fraîche, avec un geste arrondi de son bras nu, qui la fait pareille à une canéphore de cette fête athénienne ?
    – Juan ! Juan Tenorio, serais-tu païen ?
    – Païen ou chrétien, qu’importe ? Une minute, elles sont à moi, elles appartiennent à mes yeux qui savent… qui ont appris à regarder. Sans elles, la rue était grise et triste. Elles paraissent et tout est lumière…
    – Ah ! Juan Tenorio, cher Juan ! De nous tous, c’est toi le plus sage !
    – Le plus sage ou le plus fou, qu’importe ? Mais pensez, chers seigneurs, pensez au rêveur qui atteint la chimère et, parce qu’elle se brise entre ses doigts, s’élance vers une autre chimère. Pensez au demi-dieu à la recherche d’un nouveau fruit d’or toujours plus suave que le dernier cueilli et dérobé au jardin des Hespérides. Pensez au chevalier qui, à peine un horizon franchi, se met en marche vers le mirage d’un plus lointain horizon…
    – Juan ! Juan ! C’est une légende que tu nous contes-là !
    – Légende ou réalité, qu’importe ? Mais avouez, mes nobles hôtes, avouez que tout homme est un peu ce chevalier, ce demi-dieu, ce rêveur. Avouez que nul ne baisse les yeux pour ne pas voir la beauté qui passe. Avouez que le rêve qui se lève alors est le même dans tous les cœurs des fils de la terre. Avouez que ce qui me distingue de vous, et cela seulement, c’est que j’ose, moi, ce que vous n’osez pas oser, c’est que j’engage mon effort à tenter de faire vivre ce rêve que vous cachez, vous, parce que vous en avez peur !
    Les rires fusèrent plus joyeux. Les exclamations se croisèrent en feu d’artifice. Les applaudissements crépitèrent. Et le majordome impassible désigna les nouveaux flacons qu’il fallait apporter sur la table.
    – Juan, tu dois nous dire combien de ces rêves tu as fait vivre !
    – On prétend que tu as dressé une liste, une fabuleuse liste où noblesse, peuple et bourgeoisie figurent sans se jalouser, où se mêlent à l’aventure Navarraises, Madrilènes, Andalouses !
    – La liste existe. C’est un fait. Mais Juan la cache en un meuble secret !
    – Juan, à défaut de la liste, il faut que tu nous montres ce fameux meuble !
    Don Juan posa la main sur son cœur, et dit :
    – Le voici…
    Il y eut un tressaillement. Les quatre se jetèrent un regard bizarre. Mais les rires éclatèrent de plus belle.
    – Juan ! Juan ! Nous devrons donc t’ouvrir le cœur pour y lire la liste ?
    – Non, non ! Juan lui-même va nous la détailler, et nous dire les noms !
    – Les noms ? fit don Juan ! Oh ! les noms sont morts, les noms sont descendus à l’éternel oubli. Il n’y a là de vivantes que leurs chères figures… vivantes tant que je vivrai.
    – Mais, au moins, dis-nous combien elles sont ! Le nombre qui se chuchote est incroyable !…
    – Oui, oui ! Juan, tu vas nous avouer le vrai nombre !
    – Silence ! cria Canniedo. Vous allez savoir !
    Il frappa sur un timbre, et la musique, aussitôt, entra dans une ritournelle très douce, développée sur un thème de plaintes. Invisible comme l’orchestre, d’une voix passionnée, une femme se mit à chanter des stances dont voici l’approximative traduction :
    « – … Sommes-nous dix, sommes-nous vingt – qu’il a suivies, par les tièdes soirées – qui l’avons vu se mettre à deux genoux – qui avons entendu ses serments ? – Heureuses folles enivrées de son amour – sommes-nous dix, sommes-nous vingt ?
    « – … Sommes-nous vingt, sommes-nous cent – qui lui avons donné lèvres et âmes – qu’il a brûlées du feu de ses baisers – qui avons cru voir le ciel en ses yeux ? – Pauvres folles trop sûres de son amour. – Sommes-nous vingt, sommes-nous cent ?
    « – … Sommes-nous cent, sommes-nous mille – qu’il a damnées et puis rejetées – qui fouillons en vain nos cœurs. – Et nous n’y trouvons plus même

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