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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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TÉMOINS
    Accompagnées de deux guitaristes, les six danseuses entrèrent, vives, légères, pareilles à des sylphes rieurs, et tout aussitôt, castagnettes aux doigts, s’entraînant, s’excitant de leurs cris, elles commencèrent une merveilleuse, une étincelante sarabande qui fut un tourbillon de poses lascives, têtes renversées, reins cambrés, hanches désordonnées…
    Ils battirent des mains, crièrent bravo, trépignèrent, enfiévrés d’admiration, et quand ce fut fini, Canniedo leur fit présent de six beaux bracelets d’argent. Veladar, Zafra, Girenna vidèrent leurs poches dans leurs petites mains frémissantes, mais Juan Tenorio leur donna à chacune un baiser, et l’une d’elles lui dit :
    – Il n’y a que vous, seigneur Juan, pour payer royalement des ballerines telles que nous…
    Et les folles disparurent dans un bruissement de soie, gazouillant et riant.
    Ils reprirent leurs places, Canniedo, Girenna, Veladar, Zafra, tous les quatre à un même côté de la table, Juan Tenorio tout seul sur l’autre bord – singulière disposition imaginée peut-être pour lui faire honneur. Et maintenant, une invisible musique versait ses langoureuses harmonies dans la salle, la grande salle à manger du palais Canniedo, imposante avec ses luxueux dressoirs en citronnier incrusté d’orfèvreries, ses aiguières de vermeil, ses tapisseries à fil d’or, ses cristaux taillés à Venise, ses statues de marbre portant des corbeilles de fleurs et de fruits rares. Sous la direction d’un majordome armé de sa baguette d’ébène, des valets chamarrés s’activaient silencieusement au service.
    Il était plus de quatre heures, et voici qu’elle touchait à sa conclusion, cette fête donnée à Juan Tenorio pour honorer le dernier jour de son aventureuse indépendance, pour magnifier son abdication, pour célébrer son renoncement à une royauté d’amour que nul n’avait pu songer à lui contester. Et don Juan disait :
    – Rodrigue, l’officier qui a élaboré l’impériale ordonnance de ce festin, est un pur artiste ! il faut que tu l’appelles ici : ma chaîne d’or est à lui ! Mais…
    – Tu fais erreur, interrompit Canniedo. Penses-tu donc que nous aurions confié à un subalterne le soin de dresser le plan d’une telle journée, quand c’est de toi qu’il s’agissait… de toi !
    – C’est donc à ton génie que je bois, Rodrigue ! Sois fier : tu as étonné don Juan ! Mais…
    – Tu n’y es pas, interrompit encore Canniedo. J’établis ici une vérité historique : mes nobles compagnons ne m’eussent pas laissé agir seul, cette fête est notre œuvre commune… est-ce vrai, seigneurs ?
    Girenna, Veladar, Zafra s’inclinèrent avec une gravité cérémonieuse. Mais reprenant vite leur gaie insouciance :
    – Tu es notre hôte à tous les quatre ! dit Veladar en riant. À ta santé, Juan Tenorio !
    – Tu nous appartiens à parts égales, ajouta Zafra en riant plus fort. À ta santé, Juan Tenorio !
    – Ma part contre une galiote chargée d’or je ne la cède pas ! conclut Girenna. À ta santé, Juan Tenorio !
    – À vos santés, mes chers hôtes, princes en élégante magnificence ! Donc, je dis bien, j’ai admiré les romances de vos chanteurs, et la grâce de vos ballerines, et ces musiques me charment parce qu’elles m’évoquent d’irréalisables songes. Honneur à ces divines grappes de muscat glacé, et gloire, mes hôtes, gloire à la fée inconnue qui fut capable de pétrir ces voluptueuses pâtisseries, gloire à la seigneuriale cave qui recèle ces alicantes parfumés, ces lumineux xérès, mais… mais… si j’osais…
    – Ose. Tenorio, dis-nous la faute que nous avons pu commettre…
    Les yeux brillaient. Les visages prenaient des teintes de rose vif. Et les cervelles s’échauffaient…
    – Une faute, vous l’avez dit ! reprit don Juan d’un accent de conviction et comme s’il eût parlé d’un dogme ; une faute impardonnable que je n’ai jamais commise, moi, toutes les fois que j’ai eu à traiter de vrais amis – et que pourtant je vous pardonne, car le plaisir est une difficile science à laquelle bien peu sont en état de prétendre. À vos santés, chers seigneurs… Voici ce qui manque ici : le soleil ! le soleil des yeux féminins qui eût dû illuminer votre œuvre !
    Ils éclatèrent de rire, et les coupes, joyeusement, se touchèrent. Zafra s’écria :
    – Eh quoi, Juan ! La veille même de ton

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