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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Le pain est amer quand…
    – Mais puisque tu ne le manges pas ! insista Jacquemin. Les jours où tu ne mangeras pas de pain, comment pourra-t-il te sembler moins amer, si tu ne le manges pas ?
    Bel-Argent se releva, considéra froidement Corentin et prononça :
    – Je suis bien sûr qu’il n’est pas vrai !
    Jacquemin pâlit, rougit, loucha sur son nez et, furieux :
    – Qui ? Mais qui donc ? Par la mort diable, qui donc n’est pas vrai ?
    Bel-Argent lui tourna le dos.
    – Seigneur de Ponthus, dit-il, vous pouvez me sauver de toute cette misère d’amertume et de sang. Vous pouvez faire de moi un homme, car je lis dans vos yeux le courage et la bonté, qui ne vont jamais l’un sans l’autre.
    – Je le veux de grand cœur, dit Ponthus, ému par l’accent désespéré du pauvre diable. Mais comment ?
    – En me prenant à votre service. Je vous serai fidèle dans la bonne comme dans la mauvaise fortune.
    – Surtout dans la bonne, dit Corentin.
    – Mes veines, dans le danger, je suis prêt pour vous, à les vider de leur sang, reprit Bel-Argent.
    – Et surtout à vider les fonds de bouteille, dit Corentin. Bel-Argent se tourna vers son adversaire :
    – Maintenant, dit-il, j’en suis sûr : il est en carton !
    – Qui cela ? Qui cela ? hurla Corentin qui devint écarlate.
    – Allons, c’est assez, dit Clother de Ponthus. Bel-Argent, je te prends à mon service. Sois brave et fidèle, et moi je tâcherai de faire de toi un homme, car il me semble que tu as encore du cœur. Mais tu me diras le nom de cet homme qui a voulu ma mort et a payé mon sang qu’il ne fut pas assez brave pour essayer de répandre lui-même.
    – Je vous le dirai, seigneur, quand le moment sera venu. À cette heure, je veux seulement vous remercier. Oui, j’ai encore du cœur, et je le montrerai…
    – Ho ! fit Corentin, tu veux donc t’ouvrir la poitrine ?
    – Moi ! Et pourquoi ?
    – Dame ! Pour montrer ton cœur, il faut bien que tu ouvres ta poitrine. Si tu veux, je t’aiderai.
    – Si tu veux, grogna Bel-Argent, je t’aiderai à te couper…
    – Quoi ? rugit Corentin.
    – Je croirai qu’il est vrai quand seulement, l’ayant coupé, je le tiendrai au bout de ma dague. Jusque-là, je croirai qu’il est en carton !
    Et, fièrement, Bel-Argent alla se poster à trois pas derrière son nouveau maître.
    Cependant, Corentin avait fini de bander la main de Juan Tenorio, et disait :
    – Dans trois jours, il n’y paraîtra plus, monsieur. La recette du baume que je viens de vous appliquer, je la tiens de monsieur votre père, l’illustre don Luis Tenorio lui-même. Ainsi peut-il vous sembler que ce soit votre noble père lui-même qui vous ait pansé. Est-ce que cela ne vous inspire pas quelque attendrissement, monsieur ? Ne prendrez-vous pas, en cet instant, la bonne résolution de retourner à Séville ?
    Don Juan, depuis quelques minutes, cherchait un moyen de sortir honorablement de cette salle. De sa voix la plus émue, de sa voix d’acteur consommé, en cette seconde où il n’y avait plus en lui d’émotion, il s’écria :
    – Non Jacquemin ! Non, digne serviteur de mon vieux père ! Non, je ne retournerai pas à Séville ! Je vais où m’entraîne mon destin. Je vais à l’amour. Je vais à la mort. Et je n’aurai que toi pour fermer mes paupières…
    – Hélas ! monsieur, dit Corentin, sincèrement affligé, que deviendrai-je si vous mourez ?
    – Retourner à Séville ! Et quel lieu du monde ne me semblera pas affreusement triste ! Il n’y a qu’une ville où je puisse me rendre de ce pas : c’est celle où se rend Léonor… Elle me verra du moins expirer d’amour et de douleur, et peut-être alors, ah ! peut-être aura-t-elle pour moi un pleur de pardon… de pitié…
    Et à ces mots, les larmes jaillirent de ses yeux.
    Et, tout en pleurant, il se dirigea vers la porte ; et cette fugitive émotion qui venait de s’emparer de lui fit ce que n’aurait pu faire la plus habile mise en scène : il ne fut pas ridicule… il fut touchant. Il ne s’en alla pas comme le vaincu d’un duel, il se retira comme un vaincu d’amour…
    Un instant plus tard, Clother de Ponthus entendit le galop de deux chevaux sur la route : c’étaient Juan Tenorio et Jacquemin Corentin qui s’élançaient vers le nord… vers Paris !
    Alors, il s’approcha de Léonor et s’inclina silencieusement, avec une sorte de timidité qui lui donnait tant de

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