Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
d'Alexandrie, à demi séparé de la ville par un ravin profond; et près du palais, la maison du Ras bitwodded ou Grand Connétable, joli castel en ruine, surmonté d'une tour. À l'E., le quartier de Bâta. Au N.-O., au-delà du Kaha, sur la lisière d'une petite plaine, le faubourg ombreux de Kouskouam, où l'on voit les jolies ruines de l'église, de l'habitation et de la grande tour bâties à la chaux, vers 1720, par l'Itiégué Mintwab, femme et mère d'empereur, célèbre par ses vertus autant que par sa subite fortune; on découvre au S. la plaine de Dambya, et au loin, à l'E., le bord du plateau du Wogara. Les autres quartiers épars au milieu des décombres sont insignifiants.
Le faubourg de Kouskouam n'est habité que par des cultivateurs. Le quartier de Bâta tire son nom de sa grande église investie du droit d'asile et renommée par son clergé nombreux, instruit et remuant; il est surtout habité par des cultivateurs aisés; en temps de troubles, les paysans y déposent de préférence leurs réserves de grains. Le quartier de l'Aboune, habité par quelques trafiquants et de petits propriétaires, jouit également d'un droit d'asile, peu respecté lorsque le légat est absent, mais qui, lorsqu'il y réside, attire une population indécise composée de réfugiés, de clercs et d'étudiants. Les trafiquants chrétiens forment presque à eux seuls le quartier de Dinguiagué. Le Salamgué, habité exclusivement par des musulmans, tous trafiquants ou tisserands, passe pour la réunion mercantile la plus considérable de l'Éthiopie par ses relations lointaines et ses richesses en numéraire. Ce quartier, un des plus populeux de la ville, en est cependant le moins salubre, tant à cause de sa situation basse, du voisinage immédiat de l'Angareb et du Kaha, que des épidémies qu'y apportent souvent les caravanes d'esclaves. Le quartier de l'Itchagué, le plus peuplé de tous, est en quelque sorte comme le cœur de la ville. Il doit son importance à son droit d'asile qui est presque toujours respecté. Le Dedjadj Oubié, le Ras Ali, et beaucoup de leurs notables, y possédaient des maisons où ils amassaient des provisions, et où leurs partisans se réfugiaient en temps de disgrâce. Ce quartier, ceint d'un haut mur, est peuplé de gens de toutes les classes: on y trouve des princes et des seigneurs déchus ou réduits au repos par l'âge; des femmes de hauts personnages venues pour faire leurs couches ou pour s'abriter avec leurs enfants, pendant que leurs maris sont en expédition; des femmes divorcées; des matrones célèbres par leurs aventures, leur beauté passée ou leur esprit; quelques trafiquants, des moines, des religieuses, des nécessiteux, des soldats mutilés, des rebelles, des voleurs de grande route et des meurtriers; des gens fuyant la vindicte des lois ou les persécutions; quelques artisans et même quelques musulmans, car le clergé éthiopien recueille et protége sans distinction dans ses asiles les nationaux, les étrangers ou les ennemis de sa foi.
L'Atsé, dépouillé de tout pouvoir et de toute autorité, vivait abandonné dans l'isolement de son palais; néanmoins, la salle des plaids, de loin en loin, retentissait de la voix des avocats, qui, grâce à l'empire des us et coutumes, venaient plaider en dernier appel quelques procès d'une nature spéciale, devant l'antique tribunal suprême, présidé par l'Atsé, et composé comme on sait des quatre Likaontes et de leurs quatre Azzages, auxquels s'adjoignaient dans certaines occasions quelques prudhommes de la ville.
L'Itchagué, chef révocable du clergé régulier, était nommé par le Ras Ali, sur la présentation du clergé; sa juridiction attirait à Gondar des abbés et des moines des provinces éloignées, ainsi que beaucoup de membres du clergé séculier. Toutes les causes civiles qui prenaient origine dans son quartier ressortissaient également de sa juridiction; quant aux causes criminelles, instruction faite, il les renvoyait en cour du Ras.
L'Aboune partageait avec l'Itchagué la juridiction sur le clergé séculier, et exerçait également le droit de basse justice sur les habitants de son quartier.
Le Négadras (tête des trafiquants), chef de la gabelle, jugeait au civil tous les musulmans du quartier dit Salamgué; quant au criminel, il instruisait les causes et renvoyait en cour du Ras. Il connaissait également des causes commerciales entre chrétiens et musulmans, et de tous les délits contre la
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